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torrent

la parole est un torrent 
qui déborde sans prévenir
les mots se cognent 
les uns aux autres
comme des galets
en ricochet

le flux violent se bute 
aux obstacles du réel
on rêve d’une cascade 
et c’est un flot sinueux 
qui serpente en saccades

mais rien ne l’arrêtera 
l’écluse est levée
on vocifère on éructe
au lieu de dire je t’aime
voici des cris
au lieu de murmures
voilà des flèches
au lieu de sourires

la vie est un torrent
de bagatelles
notre âme court
comme l’eau
elle sourd
entre les mots
elle file
entre les lignes
mais où ira-t-elle

voir aussi Galerie Amavero

qui parle

quel est ce chemin 
sinuant de l’esprit à la phrase
cette invisible alchimie 
transmuant une impression confuse 
en envie de dire 
puis en suite grammairienne 
de mots aléatoires
objets complexes par définition
puisque signifiants et signifiés

qui parle pour moi
le cœur l’âme les sentiments 
la mémoire l’enfance
voire les préjugés les racismes ordinaires 
les blocages l’inconscient le rapport à la mère 
ou tout simplement l’amour la haine
en tout cas ce n’est pas la raison
c'est rassurant

pourquoi tel mot me vient en tête 
plutôt que tel autre
est-ce que sonnant mieux
je le crois plus vrai 
conforme à ma vision
ce que j’écris dépend-il 
de mon humeur du moment 
ou bien d’une inclination profonde
qui serait la marque de mon être

en quoi mon vocabulaire 
de crabe aveugle 
peut-il m’aider à peindre 
l’essence des choses 
comment ma révélation maladroite 
de l'univers étroit de intime 
pourrait-elle prétendre à l’universel
et surtout quel est cet enchantement 
qui donnerait à ma construction 
hasardeuse et personnelle
la volonté imparable 
d’un parangon de beauté

quand je commence une phrase 
sais-je vraiment comment la finir
et quand je débute un texte 
en connais-je déjà la chute 
se pourrait-il donc 
que cette maturation ontologique
ne fût que simple hasard 
rencontre improbable
entre l’homme et son contexte
à conclusion déterminée
par la chimie des neurones 
et de l’estomac

dans ce monde en berne
une chose est sûre
le reste balivernes
quand j’ai cueilli fruit mûr
de ce monde en berne
ce texte lourd et gras
je n’avais pas décidé 
qu’il se terminerait
par le mot estomac

Texte de Luc Fayard, illustré par le tableau Constructive composition ,  de Joaquim Torres Garcia – 1943 
Voir la mise en scène dans Galerie Amavero (lien dans profil instagram) https://galerie.amavero.fr/2024/06/qui-parle.html et dans https://instagram.com/lucfayard.poete

les mots que j'aime

je ferai un tapis des mots que j’aime
pour que tremblants tes pieds blancs et nus foulent
le grand désordre mué en poème
de ton âme chavirée par ma houle

j’accrocherai les mots que j’aime aux arbres 
pour qu’en marchant tu en tisses des fleurs
réunies en bouquets de rose et marbre
veinés de voluptueuses couleurs

les mots que j’aime voleront au ciel
pour qu’en suivant leur essaim tu transformes
les nuages crémeux comme le miel
en cerfs-volants dessinant mille formes

je ferai un voilier des mots que j’aime
pour qu'ils t'embarquent en mer avec eux
le soir nous réciterons des poèmes
au soleil roux se couchant dans tes yeux

et quand sonnera la fin de semer
je scellerai les mots que j'aime en moi
pour qu'ils créent la passerelle vers toi
où nous rêverons ensemble à jamais

Texte de Luc Fayard, illustré par Reading, de Julius LeBlanc Stewart et Les Chants de Maldoror, de Salvador Dali : voir les différentes mises en scène dans Galerie Amavero, dans Poésie de l'Art et dans instagram @lucfayard.poete

vieux poète

deux fois trente ans
de mes mots flamme
épars au vent
me forgent l’âme

la litanie
du mot qui craque
écrit ma vie
d'un cœur en vrac

Premier Prix du Concours MagCentre-Litt'oral 2024 dont le thème était "J'ai trente ans", à écrire en trente mots.
Texte de Luc Fayard illustré par "Paris, les bouquinistes" d'Eugène Galien Laloue: voir la mise en scène dans Galerie Amavero et dans instagram @lucfayard.poete

les portes de la nuit

les portes de la nuit
sont prêtes à lever
devant moi sans un bruit
leurs voiles du secret

le chemin qui m’emmène
sans joie et sans allié
enterrera mes peines
tout sera oublié

les vallées et les tourbes
les secrets les non-dits 
la magicienne courbe 
graveuse d’interdit

l’antique virtuose
glissera sur la pente
de la beauté des choses
rendue évanescente

sans gloire ni rameau
dans mon lointain regard
le silence des mots
te dira qu’il est tard

quand au son de mon deuil
cerbère de l’oubli
je franchirai le seuil 
des portes de la nuit

je n’aurai qu’un regret
n’avoir pas su te dire
dans un dernier sourire
à quel point je t’aimais

Sélectionné pour L'Anthologie de la Poésie - Prix international Arthur Rimbaud 2024
Voir mise en scène illustrée par 40 œuvres d'art contemporain dans Galerie Amavero!

fouiller la surface (3)

j’écris pour fouiller la surface indicible
des choses et des gens
dans la sphère de l’invisible
au-delà des mots et des traces

mes mots ne sont pas des mots
ils sont la rencontre improbable
entre l’âme et la beauté
la volonté imparable
de peindre l’indiscernable hybride
de sentiments et d’émotions

je ne sais pas crier
tout juste murmurer
ma sincérité mon désir immanents

je cherche à créer
les rêveries d’un tableau abstrait
le foisonnement d’un paysage de recoins
la larme limpide d’un prélude en do majeur
les cieux aux nuages éclatés

je veux décrire
les yeux transparents grand ouverts
la main douce poussant un soupir
la mort amère si attirante
les rages de l’être à tous les âges
les folies de la vie tournis
j’écris pour me sauver de mes tourments
stopper leur cycle un moment
les voici suspendus en l’air par mes mots
qui les empêchent de retomber

d’un œil je les vois prêts à se ruer sur moi
alors je continue d’écrire en apnée
plongeant toujours plus loin
dans un monde sans fin

quand j’écris j’ai peur de mes mots microscopiques
mais je continue tant pis
porté par un espoir improbable
écharde de bois transocéanique
petit caillou à la fois dense et léger
chassé par le vent
cerf-volant hésitant
après s’être détaché de son fil
et qui tournoie en montant

mes mots forment une myriade
de filandres fécondes
plus fortes que la matrice des heures
une kyrielle de notes
frappant les cœurs des bouts du monde
où je ne suis jamais allé

j’écris pour lancer des passerelles entre les êtres
lignes de vie d’un bateau cherchant son cap
je ne veux pas d’échelles ni de solutions
je veux des rêves de la vibration

voile s’évanouissant à l’horizon
mon texte va m’abandonner
ayant gravé en moi un sillage profond
hors de ma vue il vivra à jamais

j’écrirai encore et encore jusqu’à ma mort
et ce jour-là mes mots d’amour et d’or
je les serrerai contre moi
je les emporterai avec moi
qui sait à qui ils pourront profiter

les nuages sauront-ils les aimer ?

version publiée dans elle joue la nuit, c'est-à-dire remise en vers livre de la version prose qui a reçu le 1er prix du concours Amavica 2022 - Mille poètes en Méditerranée - catégorie Prose poétique

fouiller la surface (2)

j’écris pour fouiller la surface
des choses des gens indicibles
dans la sphère de l’invisible
au-delà des mots et des traces

rêveries d’un tableau abstrait
foisons d’un pays louangeur
tons de prélude en do majeur
cieux aux nuages éclatés

les mots m’empêchent de respirer
plongeant toujours plus loin
dans ce monde sans fin
j’écris mes visions en apnée

regard transperçant
main douce cachant un soupir
rages d’être torticolis de vivre
mort amère amer aimant

les mots cachent les tourments
les sons les camouflent
en appui sur le souffle
pour les contenir un moment

myriade de filandres fécondes
plus fortes que la matrice des heures
kyrielle de notes frappant à cœur
les bouts inconnus du monde

mes mots espoirs microscopiques
cailloux chassés par le vent
tournoyants cerfs-volants
échardes de bois transocéaniques

lignes de vie d’un navire pantelant
ni solutions ni échelles
je lance des passerelles
entre le rêve et le vibrant

mon texte va m’abandonner
voile s’évanouissant à l’horizon
gravant en moi un sillage profond
hors de ma vue il vivra à jamais

j’écrirai encore jusqu’à ma mort
et ce jour-là mes mots d’amour et d’or
tout contre moi je les emporterai
qui sait à qui ils pourront profiter

les nuages sauront-ils les aimer

version réécrite en vers de la version prose poétique (version 1) qui a reçu le j’écris pour fouiller la surface indicible
des choses et des gens
dans la sphère de l’invisible
au-delà des mots et des traces

mes mots ne sont pas des mots
ils sont la rencontre improbable
entre l’âme et la beauté
la volonté imparable
de peindre l’indiscernable hybride
de sentiments et d’émotions

je ne sais pas crier
tout juste murmurer
ma sincérité mon désir immanents

je cherche à créer
les rêveries d’un tableau abstrait
le foisonnement d’un paysage de recoins
la larme limpide d’un prélude en do majeur
les cieux aux nuages éclatés

je veux décrire
les yeux transparents grand ouverts
la main douce poussant un soupir
la mort amère si attirante
les rages de l’être à tous les âges
les folies de la vie tournis
j’écris pour me sauver de mes tourments
stopper leur cycle un moment
les voici suspendus en l’air par mes mots
qui les empêchent de retomber

d’un œil je les vois prêts à se ruer sur moi
alors je continue d’écrire en apnée
plongeant toujours plus loin
dans un monde sans fin

quand j’écris j’ai peur de mes mots microscopiques
mais je continue tant pis
porté par un espoir improbable
écharde de bois transocéanique
petit caillou à la fois dense et léger
chassé par le vent
cerf-volant hésitant
après s’être détaché de son fil
et qui tournoie en montant

mes mots forment une myriade
de filandres fécondes
plus fortes que la matrice des heures
une kyrielle de notes
frappant les cœurs des bouts du monde
où je ne suis jamais allé

j’écris pour lancer des passerelles entre les êtres
lignes de vie d’un bateau cherchant son cap
je ne veux pas d’échelles ni de solutions
je veux des rêves de la vibration

voile s’évanouissant à l’horizon
mon texte va m’abandonner
ayant gravé en moi un sillage profond
hors de ma vue il vivra à jamais

j’écrirai encore et encore jusqu’à ma mort
et ce jour-là mes mots d’amour et d’or
je les serrerai contre moi
je les emporterai avec moi
qui sait à qui ils pourront profiter

les nuages sauront-ils les aimer ?

version remise en vers livre de la version prose qui a reçu le 1er prix du concours Amavica 2022 - Mille poètes en Méditerranée - catégorie Prose poétique

l'herbe est un nuage

L’herbe est un nuage un bain de mousse et de bulles
Les arbres noeuds des sorcières préhistoriques
La terre une maison de rats trouée de taupes
Et quand la lune menteuse luit dans le gris
C’est que le jour et la nuit se sont mis d'accord

Je ne verrai jamais les choses comme elles sont
D’ailleurs les choses ne sont pas ce qu’elles sont
Elles seront ce que j’en dis ce que j'en distingue
Le champ est un prélude à la forêt la mare

Une invitation aux faucheux aux mangoustes
L’amour un sourire qui dure malgré tout
Les choses les gens deviennent ce qui les cerne

La filandre vole dans l’air jusqu’à la branche
Comme un cœur qui cherche son nid chaud tout là-haut
La nature n’est pas un temple elle est caverne
Peuplée de lumières floues et de bruissements
Qui la construisent la déchirent dans le vent

L’homme transpercé par les rayons et les larmes
Devient la cible unique de toutes ces vies
Et du vaste chaudron bouillonnant de son âme
Voici la vapeur des mots qui s’envole et fuit

Seul résistant à la noria des attaquants
J'esquive je fuis je crie ma haine mon bruit
Je serai le phénix de la fureur du verbe

et le verbe s'est fait dans ta chair

et le verbe s’est fait dans ta chair
à partir de là
plus de jour ni de nuit
rien que le gris des lignes entassées
qui se mordent les unes les autres
méchantes superbes terrassées
bousculées par la touche entrée de ton clavier

tu écris fiévreusement pressé par le temps perdu
tu cherches à retrouver dans la jachère de ta vie
ces idées ces phrases sublimes inoubliables
après lesquelles tu courais sans te savoir oiseau de proie
et qui s’étaient envolées avant que d’exister

désormais plus rien ne peut t’arrêter
tu accouches tes mots comme une lapine pond
tu sculpte tes images en formes ciselées

il faut que tout soit parfait vite
précis et beau inédit
les mots se bousculent
ils ne t’ont pas attendu pour vivre
alors prends les tous
la folie est en toi
tu es en route
ton chemin d’écriture enfin
ta rédemption ton salut
plus que le bonheur la joie
l'accompli l'infini
écrire est le but de la vie

voie de l'homme

homme libre et faible voici enfin ta voie
dénuée de poussière et d’ortie
écoute l’oracle guidé par l’amour
assieds-toi un instant près de moi
calme ton cœur qui bat trop fort
à courir après l’informulé

viens ici 
tu peux déposer larmes et désir tragique
mon ami mon frère écoute-moi
la vérité que tu cherches est là
mais tu ne la vois pas
arbre décharné 
tes branches nouées
retourné en-dedans 
phare à l’envers

alors voici

commence par te frotter à l’homme au lieu de le fuir
nourris-toi du fond de ses regards fiers
et c’est ainsi que naîtront tes nouveaux désirs
ton âme blottie dans la chaleur des mers

ensuite cherche en toute chose sa beauté
mais au-delà d’elle nichée quelque part
en haut d’une montagne derrière un nuage une mare
un coin secret que tu découvriras émerveillé

et ce sera ton jardin mystérieux éternel

enfin demeure en tes mots avec la chair et non l’esprit
tu es le temple de ta poésie
seule vérité possible elle est la voie
elle est la clé qui ouvre toutes les fois

mon ami mon frère
je ne te parle pas de bonheur ni de plénitude
je te parle simplement de vivre
et de la vraie richesse
comme un sourire de pleine lune
dans la nuit des doutes

marche respire regarde sens pleure
et dis-le

dernier rêve

vous prendrez bien un dernier rêve
allez
pour le doute
le mirage sans âge
un rêve sans faux col
sans larmes ni détour
ca fait pas de mal

je vous le sers comment
avec ou sans poésie

spécialité de la maison
le cocktail de mots doux amer
mots courts mots forts mots rauques
ils flottent ils coulissent
ils s’entrechoquent
ils renvoient bien la lumière

surtout pas de mots frivoles ni barbares
sinon le rêve vire aigre
et en plus il peut mousser

des mots riches aussi pourquoi pas
mais pas trop
un point si vous voulez
un point c'est tout
c’est pas obligatoire

versez le tout dans une belle âme
doucement vieillie à peine ridée
qui en a vu des rêves
et vous secouez vigoureusement

ah oui j’oubliais
beaucoup d’amour
il donne du goût
un zeste de rimes nonchalantes
à distribuer selon l’envie

on peut aussi verser quelques images
mais un peu floues surtout
trop nettes elles éblouissent

et puis selon les cas
une ou deux gouttes d’humour lisse

le tout servi bien frappé
la fraîcheur c’est important
elle se fait moins qu’avant
quel dommage

tiens
je vous accompagne
prendre un rêve à deux
c’est mieux
on sera moins vite seul

(Paris février 2005)
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier