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masques et signes

c’était un temps
de masques de signes
le monde magique
oubliait l’avant l’après
on se parlait sans mots
de pensée à pensée
la nature guidait
les gestes des êtres
qui doutaient encore
de l’union parfaite

triptyque

naissance vie mort
amour séparation tristesse
rien n’est typique
tout est triptyque
entre noir et blanc
toutes les nuances 
de la vie de la mort
la vie long fil d’or
sans commencement ni fin
la mort partout présente
sans cesse repoussée
la vie qui éclaire la mort
frontière entre l’avant et l’après

changement de pluie

la pluie n’est plus ce qu’elle était
tendre mélancolique rieuse 
annoncée par de subtils frémissements
de l’air gai toujours printanier 

quand elle arrivait enfin 
heureuse 
quelle fraîcheur 
quel soulagement 
ses fines gouttes en prélude 
ne mouillaient pas vraiment 
prenant toutes les formes possibles 
selon son humeur 
elles se dégustaient sur la peau 
et le monde s’en accommodait 

avec le temps tout a changé 
la pluie est devenue brutale 
surgissant sans préambule 
tempétueuse en permanence 
longs jets penchés et coupants 
qui mouillent lourdement 
pour faire mal

il pleure toujours dans mon cœur 
mais plus jamais comme il pleut sur la ville 
car il y pleut méchamment 
le chant n’est plus doux 
il est tumulte 
cacophonie 
la pluie est un océan furieux 
une houle obscure 
elle débarque et part sans préavis 
et quand sa tornade impétueuse disparaît 
elle laisse derrière elle un immense gâchis 
la terre dévastée 
et les cœurs malheureux 

la pluie ressemble à la vie

homme d'ombre et d'onde

avant
j’étais un homme d’ombre et d’onde
pleurant seul
ballot d’aube
et me voici lumière active
chassant l’inutile
fuyant les prémices obscures de la mort
long fut le temps où je cherchais l’indicible
au-delà de la poussière des jours
aujourd’hui je cours
hâté par les battements du coeur
peuplant le présent d’un corail de pacotille
futile barrière anti-futur anti-noir anti-tout
j'étais larve du soir fantôme d’attirance
et me voici prévisible espérance

fallait-il hier se fondre 
dans les couleurs neutres 
du feutre automnal
ou faut-il maintenant 
vibrer bêtement 
sur des fréquences arc-en-ciel
entre douleur et fureur
je suis à jamais inachevé
comme le plus petit des hommes
j’aime cette ressemblance à la communauté
j’appartiens à l’humanité 
par mon incomplétude structurelle
plus je suis imparfait plus je m’ancre
quand je crie mon impuissance 
l’écho de la terre se pare d’infini

ma solitude est multiple
mon désespoir infime
mon avenir sans surprise
mes mains fabriquent ma tour d’ivoire
tandis que sèche mon coeur
je vois une vie sereine 
avec des yeux de comptable
quand je vivais l’errance 
avec une âme de poète

la marque du bonheur 
imprime mon sourire
ma peau est lisse 
comme un bébé
j’ai perdu mes crevasses 
en même temps que mes cheveux
je marche droit vers la fin 
avec une force joyeuse et contrôlée
la route monte de plus en plus
le soleil me frotte le dos
il me dessine une ombre gigantesque
je reste coi
les oreilles bouchées de certitude

un jour peut-être 
se marieront mes deux destins
mon passé d’abondance et d’ébauches
et mon présent de fer apparent
ce jour-là gare je serai le roi de la terre
je n’aurai plus qu’à mourir et comparaître

alors je dirai à Dieu
Seigneur, me voici
pêcheur à occurence multiple
(vous seriez jaloux d’un saint)
j’ai cherché et suivi toutes les voies qui mènent à vous
j’ai rêvé et j’ai agi
j’ai aimé et j’ai créé
j’ai pleuré et combattu
j’ai écouté et j’ai dirigé
j’ai donné et entrainé
mes rêves me rapprochaient de vous
mais dans une forme d’inutilité
mes actes me rendaient insouciant
mais je perdais le sens du bien
l’amour m’a comblé
dans un quotidien douteux
mes pleurs étaient des gouttes d’insuffisance
mes combats une vaine agitation
et quand j’ai voulu emporter d’autres derrière moi
j’ai souvent quitté les routes de la théorie
pour un chemin ou tout est discutable

Seigneur me voici
que fallait-il faire
et Dieu de sa voix caverneuse et douce
me donnerait enfin cette réponse
que je ne connais pas
et qu’il faut que j’attende encore
esclave combattant avec ses deux vies
homme fatal de la dichotomie
imparable amant du futur antérieur
funambule de l’inestimable impossible
gratteur de racines incomestibles
chercheur  d’ailleurs successifs
vasectomisé génétique du chromosome bonheur
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier