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la vie par la fenêtre

liquidambar
exhalant maigre
un long sanglot
sur ses bourgeons

en ligne haute
d'un val bruyant
la canopée
coiffée en blanc

le vent figé
encrant la scène
comme un tableau
de Pissarro

le chêne mousse
ouvrant ses bras
aux oiseaux bleus 
lustrant leur nid

et devant moi 
en possession
du fauteuil gris
dort le chat roux 

lové en rêve
à l'immobile
il est la mort
guettant sa proie

l’animal    |   moi aussi
respire     |   moi aussi
au ralenti  |   moi aussi


Texte: Luc Fayard
inspiré par la vérité confirmée par la photographie de Luc Fayard
voir la mise en scène sur Poésie de l'Art

mystère de la création

il y a longtemps
dans une haute tour 
accrochée au ciel
le monde fut créé
par une femme
délicate et pensive

attachée à son labeur
telle une tisserande à son métier
elle dessinait avec bonheur
d’étranges et beaux objets

chaque jour chaque nuit
la lune et le soleil l’aidaient
en posant de fins rayons
d’ombre et de lumière
sur sa planche à dessin

son violon amoureux
jouait pour elle 
des airs envoûtants
qui deviendraient plus tard
la première symphonie 
des chants du monde

les notes émurent les esquisses
alors la forme vivante fut
d’abord les oiseaux 
qui s’envolèrent à tire d’aile
puis vint tout le reste 
de la grande arborescence
des plantes et de l’eau
animaux et hommes
poussières de vie
s’égayant dans le vent

souriant de tant de beauté 
et d’harmonie
la mère de la création 
heureuse et solitaire
vécut longtemps
améliorant jour après jour
les fruits de son âme
entourée de robots fidèles
gardiens de son alchimie

quand elle mourut 
tâche accomplie
le monde sur sa lancée
continua de tracer 
sans elle
son cercle fini
infiniment répété

mais un jour advint
ce qui devait advenir
sans sa matrice 
ni son sourire
l’homme se crut 
le roi du monde
et ce fut le début 
de la fin du monde

Texte: Luc Fayard
inspiré de La Création des Oiseauxde Remedios Varo; voir la mise en scène en récitation musicale de poésique sur instagram @lucfayard.poete et dans Galerie Amavero

rouleaux

les rouleaux se déroulent
l’écume fume
les vagues divaguent
les bleus marins
embrassent le ciel
accueillent le vent
la côte regarde étonnée
ce spectacle quotidien
de force et de bruit
la mer sauvage et fière
que l’homme toujours
voudra dompter

démesure

quand la mer et le soleil
se rencontrent violemment
c'est un choc de démesure
ici la côte est pointue
comme l’accent
les couleurs explosent de vie
l’écume de murmures
une gaité virevoltante
balaie l’horizon courbe
et quand le vent s’en mêle
un tourbillon de folie
s'empare sans effort

neige (1)

la neige n'est pas que manteau
elle est baguette de fée
qui transforme le paysage
en voile de prière muette
voix vers le silence
tout se cache dans l’attente
ce qui reste apparent craint
neige épaisse fil d’ariane
reliant la terre et le ciel
l’homme et son âme
l’espace et le temps

voir l'oeuvre et l'artiste qui m'ont inspiré ce poème: Sainte-Amélie-des-Monts, par Amélie de Trogoff

murmure et frisson

la mer m’a dit dans un murmure un frisson

regarde toi ni frégate ni poisson
gorille lourd et grossier
comment oses-tu me défier
me déranger parmi mes éléments
que fais-tu là étranger sans palme
accroché à ton morceau sans âme
fait de bois et de toile sans vent
qu’espères tu donc de moi quel frisson

je suis le temps et l’espace
je suis l’horizon je suis l'aura
l'abysse ténébreux qui te perdra
et toi tu n’es qu'une carcasse
que sais-tu de l'effluve alizé déhanché
du chant perlé de la vague immaculée
de la poussière de sargasse

peut-être pourrais-tu me pénétrer
si seulement tu savais m'étreindre
dans tes bras malhabiles
ou bien délicatement me savourer 
goutte après goutte entre tes doigts
malheureux tu serais noyé avant d’y arriver
et par ma noire profondeur asphyxié

alors tu me regardes têtu tu renâcles
comme ces marins au regard fin
qui me fixent en espérant un miracle
impossible surnaturel incertain
ce n’est pas le vol saccadé d'un fou de bassan
ni la nageoire éphémère d’un dauphin
ni l’arbalète stridente d’un poisson volant
qui peut les distraire de leur attente sans fin
ni même leur dire qui je suis vraiment

je n’ai pas de solution pour l’homme
je suis la question
je suis la source

météo marine

gros grain noir à l’horizon
inquiétude à bord
nouvelles données météo
perplexité
le marin cherche sa voie
moi aussi

mer hachée
voilier secoué
combien de temps sans respirer
le marin veut souffler
moi aussi

grand soleil et bon vent
le voilier trace son sillage
la mature siffle
les dauphins jouent
le marin sourit
moi aussi

et cette aube toujours
en majesté
mon âme en paix

fusion ici et là

le bateau et la mer
ici coins et recoins
à portée de main
là le plein le lointain
ici le fixe le solide
le rassurant
métal bois filin
là le fluide le mouvant
la métamorphose
ici la multitude des petits objets
utiles à la vie à la survie
là le désert de l’unicité

jamais il n’y eut pareille antinomie
et pourtant tout concorde
tout s’accorde
l’esquif et la houle
la voile et le vent
l’homme et la mer
fusion

karakoum

la vie est un désert de karakoum
un vent qui secoue les arbrisseaux malingres
le soleil coiffant tout comme un chapeau
et la piste qui court et s'efface

la vie est un désert de karakoum
avec son cratère qui fait boum
son canal large et droit survolé de buses infidèles
et l'éternel pêcheur venu de nulle part

la vie est un désert de karakoum
jaune sale et vert pâle
avec ses couleurs pas franches
tout est long et lent insaisissable
comme le sable

la vie est un désert de karakoum
sans ombre ni relief
le temps s'endort et rêve
rien ne finira jamais

la vie est un désert de karakoum
peuplé d'histoires cruelles
et d'espoirs sacrifiés
et l'homme avance
malgré tout

unisson

le bleu court
le marron noircit
le vert frissonne
le gris s’assombrit
la nature est un spectacle 
de couleurs qui fuient

le vent dans les feuilles
le soleil sur la peau
le brouhaha de la vallée
la valse des odeurs
la vie est un habitacle 
de forces invisibles 

le cœur s’emballe 
le corps refroidit 
l’âme s’attriste 
l'esprit s’enflamme 
l’homme est un réceptacle 
à l’unisson du monde

comme un son de renaissance inédit

quand la mer frustrée de ses va-et-vient
aura stoppé d’inutiles marées 
quand les sourires se seront lassés
d’avoir créé ce monde vide et plein

quand la fin de l’amour aura tendu
son manteau ouaté sur les âmes nues
quand la poussière suspendue en l’air
aura révélé de nouveaux mystères

quand la course du ciel sera courbée
par le poids des remords et des regrets
quand les nuages auront dit au monde
voici l’ultime ronde vagabonde

quand les collines là-bas et les monts 
auront tourné leurs obliques rayons
vers d’autres esprits objets et regards
que ceux des hommes lisses et hagards

je me tairai mes mots n’auront plus d’âge
ni mon cœur ni mon âme de courage

peut-être alors rompant le non-dit
tintera le chant d’un nouvel héraut
prolongeant son air d’écho en écho
comme un son de renaissance inédit

encouragé par lui on pourra

relancer la course des nuages
faire retomber poussière et vent
redresser la tête des montagnes
libérer le ciel en mouvement
caresser la mer et son tangage

et c’est ainsi que nait la nouvelle ère
abrupte qui renverse les chimères

réalité

je vois mon bureau l’écran la vieille fenêtre et sa vitre sale 
le trait de zinc impuissant à protéger la terre trempée 
je vois le buis rigide et fort les plates-bandes décharnées 
qui renaîtront pourtant une femme intrépide le sait 

je vois l’herbe vert et marron rase et bosselée 
la mare immuable désertée par les canards 
plus loin le saut du loup les champs et les forêts 
je ne vois personne dans tout ce paysage 

tapis les oiseaux pleurent les corneilles sont lasses 
les lapins s'emmitouflent le cul blanc apeuré 
et les sphères de la terre brassée par les taupes 
dessinent les toits aériens d'un labyrinthe caché 

puis je vois le ciel gris et noir qui prend toute la place 
le jeu des ombres sur la terre embrumée 
la lumière blanche transperce les nuages 
c'est bien moi le seul homme de cette vie animée 

je crée cet univers vibrant de mille souffles mêlés 
qui entrent en moi pour nourrir ma passion 
plan après plan tout n'est qu'extension 
je deviens herbe champ oiseau arbre forêt
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier