Affichage des articles dont le libellé est nuit. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est nuit. Afficher tous les articles

achéron

émoussée la lame de l’esprit
ne tranche plus assez
les mots me manquent
pour boucler ma pensée
blindé mon cœur
ne laisse plus rien traverser

de tout son passé
le temps me pèse
marmite en fonte 
prête à imploser 
mais qui se contente de fuir  
lâchant de lamentables pschits

heureusement la nuit
débarquent les rêves
trafiquants d’espace et d’horloge
le songe est quantique
on peut vivre ici et là-bas
en même temps
être soi et un autre 
et s’engueuler tous les deux
voler très haut tomber très bas 
tout le monde fait ça
se retrouver tout nu dans la rue
courir poursuivi par un meurtrier
dont le coup de poignard fatal
vous ramène en sursaut à la vie

et puis aussi 
dire des choses bizarres
aimer de manière doucereuse
sourire peut-être
mais pas plus

car n'ayant jamais ri dans mes veilles
j’ai peur que le rire du sommeil 
ne soit l'ultime son
traversant l’achéron

Texte de Luc Fayard ; voir la mise en scène illustrée par l'oeuvre de Jon Davis dans Galerie Amavero et dans instagram.com/lucfayard.poete

il faudrait

il faudrait que le vent
poussant les montagnes
et les icebergs
bâtisse le couloir
d'un passage abrité

il faudrait que la main
saluant comme une feuille
emporte avec elle
la pensée vers le ciel
dans le grand tournoiement

il faudrait qu’un sourire
pose du bleu sur le gris
venant calmer à point
les ardeurs opiniâtres
des accents trop aigus

il faudrait étreindre les arbres
pour que leur frémissement
nous parcoure le corps
nos pieds prenant racine
dans l’histoire du monde

il faudrait brûler les regrets
dans un feu de joie
pour que chaque crépitement
signe un nouveau succès
sur la fatalité

il faudrait que nos prières
se joignent pour créer
l'invincible lumière
empêchant la nuit à jamais
d'actionner sa  crécelle

Texte: Luc Fayard
Voir des versions mises en scène dans Galerie Amavero, dans Poésie de l'Art et dans instagram.com/lucfayard.poete

l'eau de la nuit

une histoire de fou 
je suis tombé de haut
froid et mou
tout au fond de l’eau 

une chute sans un cri
et là tout en bas surprise
une femme nue sans âge 
m’attend et me sourit

je suis nu moi aussi c’est embêtant
au fond de l’eau surtout
on bouge au ralenti comme dans un film
impossible de respirer
elle touche ma main rassure-toi dit-elle
tu ne respires plus tu ne souffres plus

je la prends dans mes bras amicalement 
et lui dis en pleurant
jamais je n’ai connu quelqu’un comme toi
de quoi nous parlâmes
dans le flot des larmes 
je ne sais

quel effet me fit cette femme énigmatique 
si longtemps enlacée mystère
à la fin elle me poussa vers la sortie
c’est le temps de l’exil dit-elle
on t’attend à l’accueil de la citadelle

derrière un guichet j’entends une voix
l’accueil c’est ici
je me penche et vois plus bas 
dans une vaste baignoire
une baignoire au fond de l’eau quelle idée
une autre femme allongée 
vieille et maigre nue
qui se lève en gémissant
lourde de fatigue aride
des gouttes d’eau perlant de ses rides
comme la vie qui fuit sans un mot

enfin dépliée spectrale raide comme l'or 
la noyée de blancs cheveux m’épie
de ses grands yeux foncés

et je comprends alors terrifié
que je suis à jamais 

dans l’eau de la nuit

voir la mise en scène dans Poésie de l'Art

elle joue la nuit

elle joue
et par la porte ouverte
les notes du piano fuient
je les regarde
s’envoler dans la nuit
sur un tempo lent
caresser les nuages blancs

elle joue
et le temps s’arrête
de respirer
moi aussi
partagé
entre nuit grave
et musique aigüe

elle joue
et ne sait
sa grâce à elle
pour moi
tout ce qu’elle touche luit
ses mains créent la lumière
de mon chemin d’élu
balisé dans la nuit

elle joue
et le vent profite d’un soupir
pour pousser le sien
moi aussi
musique et nuit
sœurs jumelles
de l’attente

elle joue
et dépêche en l’air
ses notes messagères
points d’interrogations
titubant sans fin
dans la nuit claire
de ma tête étoilée

elle joue
et les étoiles alanguies
clignent des rayons une à une
complice le ciel me sourit
dans son halo bleu de lune

elle joue
et sans elle au piano
la nuit ne serait
plus jamais la même
moi non plus
ou je serais la nuit
voir une version un peu différente, en musique, sur instagram

disco

en ce temps-là
on s’habillait en couleur
la musique était folle
tout était possible
le sexe le bruit la nuit
les gens dansaient
des heures en transe
dans les discothèques
au petit matin
on riait encore
de ses accoutrements
pattes d’eph et coiffure afro
c'était le temps du disco

la ville la nuit

la ville la nuit
rouge et noir
traces de lumière
halos croisés des destins
filandres de vies
filant ailleurs
ou se terrant trop sages
la ville la nuit
monde de blocs
et de passages

lièvre danseur

le lièvre farceur
me demanda
veux-tu danser ma sœur
sans attendre il m’entraina
dans une ronde insensée
absurde endiablée
le lièvre danseur
est un fanfaron
il saisit toute occasion
de faire le charmeur
le fou la toupie
nous dansâmes ainsi
enserrés enlacés
toute la nuit
au petit matin frais
il agita son bras
et s’en alla

recoins

la forêt vit la nuit
dans ses recoins
ses secrets 
ses pénombres
quand la lumière traverse
ce sanctuaire de mystères
une autre vie commence
cycle sans fin
mais chaque instant
vécu de l’intérieur
brille comme un diamant

passant

j’aime la ville la nuit
après la pluie
ses lumières
brillent
dans le noir
pour éclairer
la pénombre
des destins
je suis un passant
marchant sans fin
vers une rencontre

halo qui luit

peu à peu la nuit se pare de noir et brume
s’emmitouflant dans son manteau d'ouate infernale
aux teintes bleuies de zinc rocher d'araignée
l'horizon s'enterre dans un brouillard sale
qui abrite un écheveau d'intimités
reliant le ciel qui pleure à la terre qui fume

désemparée par ce règne nu
où les couleurs de la vie se diluent
mon âme gémit désorientée
pleurant les mots refoulés
les émotions perdues
les sourires reclus
les sentiers lumineux qui se sont éteints
les paysages qu'elle n'aura jamais peints

mais elle fait plus que pleurer la serpillière
elle se tord de douleur la sorcière
elle s'arrache des tonnes de vies ratées
les murs de la nuit noire se recréent

alors dans le froid sombre qui hurle
où tout se tait
où rien ne plait
furtif un mouvement haut esquisse une virgule

ridicule
derrière son halo bleuté
la lune naïve tente une épopée
incertaine trouée de grisaille uniforme
ironique le cercle mal dessiné
s'élève péniblement sur des hommes
pour que mon âme s'y accroche
sans la moindre anicroche

je discerne enfin là-bas une lueur moirée
cible vacillante qui ne veut pas mourir
étendard fragile d'une révolte sans les soupirr
que je pourrai enfin brandir pour espérer

le halo qui luit a mis le holà à ma longue nuit

tu ne crois plus

quand la nuit se disloque
vieille breloque
tu ne crois plus aux mots
masques menteurs
tu ne crois plus à la réalité
cinéma d’auteur
tu ne crois plus à l’autre
rétif miroir de toi
tu ne crois plus aux dieux
prégnants contes de fées
tu ne crois plus à l’amour
dénudé par les ans
tu ne crois plus à la vie
vidée de ses sens
et surtout surtout
tu ne crois plus en toi
et puis voila
le jour se lève
tu es toujours vivant

devant toi familière

devant toi 
familière
la grande ourse 
immense
t’attire 
invinciblement
dans ton dos 
la voie lactée
tombe 
en léchant la mer
face à toi 
le lever de vénus
l’incroyable éclat 
de jupiter 
star du ciel
pressée 
une étoile filante 
vient te saluer
et quand tu regardes 
vers le haut du mât 
le feu de ton voilier 
ajoute une étoile au ciel
les lumières blanches 
du plancton et des méduses 
défilent 
sous le bateau 
dans un ruban sautillant
tu ne sais 
si tu les déranges 
ou les attires
et puis
ce bruit mouvant 
du sillage 
sur la coque
à la fois caresse force 
et destin
l’écran glauque du radar 
et ses taches vertes
pour te rappeler 
que tu n’es jamais seul
l’horizon percé 
de points lumineux 
à décoder 
la mer noire
qui te cerne 
te porte et te surveille 
et ton regard 
qui ne sait où se poser
vers l’eau 
ou vers le bateau 
vers l’extérieur 
où vers l’intérieur de toi

sur le voilier O., nuit du 27 au 28 juin 2022, entre Minorque et Palamos. Hommage à L-M.B. et C. B.

noir pour mourir

j’entends je vois la nuit
poignées à abaisser
volets de fer fermés
crissements nus des bruits

siffleurs de sphères vertes
marches blanches du pin
ronronnements urbains
branches nouées désertes

mats gris de parasol
arrière-plans mêlés
bleus blancs du haut lavés
chats glissant sur le sol

roulement lourd du train
cris du bas des maisons
fumées hélice en rond
carrés de vitres teints

puis les sons vont s’éteindre
les visions s’obscurcir
dans le noir pour mourir
je ne pourrai plus feindre

six haïkus du vent et de la nuit

le vent dans les feuilles
les ombres dans son regard
la nuit m'émerveille

elle m'a souri
en éclairant mon esprit 
à travers la brume

cette eau qui frissonne 
je n'en aperçois que l'onde
sans rien en dessous

la vie est filandre
le coeur araignée aveugle
l'amour pris en toile

la mare est de glace
le givre et le gris s'installent
où sont les lueurs

se plaindre qu'il pleut
autant refuser de vivre
la vie goutte à goutte

feux de mouillage

les feux de mouillage des bateaux tanguent dans le noir 
grasses lucioles ils disent à la terre 
dormez braves gens tout est calme ici-bas 
oubliez la haine et vos petitesses 
ils disent au ciel 
bonjour étoiles bonjour planètes et trous noirs 
on est plus gros que vous 
on éclaire mieux 
et nous au moins on est utile aux hommes 

mais les étoiles en ont vu d'autres 
elles se moquent de ces nimbes prétentieux 
elles ont pour elles la nuit des temps et le big bang 
elles ont pris du recul sur la vie 
et la faiblesse des sentiments 
en intercalant des années-lumières 
entre elles et les hommes 
elles ont construit patiemment cette voûte visible
et démesurée 
cette toile d'araignée en pointillés 
ce labyrinthe éreintant 

la nuit étoilée d'un soir d'été au mouillage me happe l'âme 
pour l'envoyer valdinguer 
comme une bille en verre dans le flipper céleste 
j'entends ce dialogue vibrant entre le ciel et la terre 
entre l'eau et l'éther 
je suis le lien vital signifiant 
pour qui se rejoue à chaque fois ce drame féérique 

qui sait 
un jour un soir 
la nuit du ciel et de la mer 
ronde des rondes 
voûte des voûtes 
se penchera sur moi 
mère ample et douce et de sa voix 
grave et philharmonique 
longuement tendrement pleine de sens 
en choisissant ses mots et ses silences 
enfin bienveillante et altruiste 
elle me dira peut-être pourquoi j'existe

lili la lune là

Lili regarde 
la lune danse 
pour toi et moi 
la lune est là 
couchée en niche 
la lune vit 
dedans sa mue 
la lune a bu 
fâchée en nage 
la lune à l’houx 
mouille son dos 
la lune à l'eau 
se fout du loup 
la lune lit 
puis se rendort 
la lune luit 
et rit là-haut 
lune qui ment 
jamais faucille 
tu es marteau 
qui frappe les 
douze longs coups 
à la minuit 
fais donc comme elle 
et vit la nuit 
quand il fait noir 
dessous la lune 
les chats sont gris 
et les regrets 
aussi Lili

soir pur et blême

j’aimerais que tu m’aimes
quand le soir pur et blême
peint tes yeux de mystère
la nuit où sans fin j’erre

l’ombre de la nuit mêle
au cœur de son sommeil
nos corps nus enfiévrés
plus rien n’est faux ni vrai

j’aimerais que tu aimes
cette nuit pure et blême
ou nos coeurs emmêlées
tentent de s'arrimer

l’ombre de l’ombre rit
qui de la nuit surgit
l’aube nous chérira
mon amour mon aura

quand le ciel blanchira
quand tu t’évanouiras
je voudrais que tu m’aimes
dans le nouveau jour blême

genou dans la nuit

extérieur nuit 
ambiance plage tropicale 
d'abord le son roque des rouleaux 
grondement qui enfle et qui dure 

premier plan 
un genou de femme 
sans doute allongée les jambes repliées 

deuxième plan 
l'écume de vagues longues 
qui s'enroulent se déroulent 

incidemment au bord de l'eau 
de petits crabes blancs courent comme des fusées 
après un départ catapulte 

arrière-plan
les lumières d'un rocher un hôtel peut-être 

et le roulement revient occupe toute la scène 
on ne voit plus que ce genou sur fond d'écume 
ce genou chair devant la vague laiteuse 
ce bout de statue face aux allers-retours de la mer 
la vie immobile et qui finira 
face à la vie qui bougera toujours

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier