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Un brin

Un brin de soleil
Dans les cheveux du matin
C'est ton âme qui murmure
Quand tu vogues dans les rêves
De la grande vague du monde

Texte d’Emmanuelle de Dardel https://plumebis.ch/blog-de-poesie, inspirée par la photo  Jeune fille au bain d’Aline Kurth
Voir la mise en scène dans Galerie Amavero (lien dans profil instagram @lucfayard.poete) https://galerie.amavero.fr/p/un-brin.html

Poème-affiche

Tous les parfums de l’Arabie,
tous les rêves du sommeil et de la veille,
toutes les aventures vécues ou imaginées,
toutes les expériences nées des œuvres à lire,
à voir ou à entendre,
tous les remous à l’échelle des océans
ou à celle du verre d’eau,
tout ce qui peut n’exister qu’à peine
ou ne pas exister
mais par quoi l’on existe...

Texte: Michel Leiris ; voir mise en scène dans Galerie Amavero avec la lithographie de Joan Miró

La vague de Camille Claudel

La vague devient chair sous le ciel dénudé,
Le long de son corps embrasé se perd le temps,
L’onde enserre la lumière de vert veinée,
Oblitérant de ses doigts le jour en suspens.

Lors, la vague émeraude vomit la colère
Dans la danse de ses lames effrénées,
Se pétrifie dans les coulures de l’éther
Son âme déchue où s’émiettent les trophées.

Les trois belles à l’entour de l’intempérance
Éclaboussent la vague de leur nudité,
Quand leurs cœurs ceints d’onyx vibrent dans les luisances.

La grâce susurre à la vague captivée :
« Sursois à briser mon âme qui bat encore
Dans la danse des corps où vacillent les ors ».

Texte de Laurence Sophie inspiré par la sculpture La Vague ou les baigneuses de Camille Claudel. Voir Galerie Amavero

Malika

À mes mamas algériennes.
Deux mamas qui ne se connaissent pas, sont pourtant tatouées dans mon cœur.
L’une est ma belle mama de la poésie et l’autre est ma mama Malika.
Même le prénom MALIKA comporte le nom de Ali BELKAHLA.
On ne récolte ce que l’on s’aime, j’ai été baptisée Yacuta par Linda.
Encore une autre mama, à laquelle je tatoue le signe de l’amour,
Ave Maria, si tu me reconnais, je suis ta tata.
Cette toile figurative est le caméléonisme du culturisme.
Je développe ma masse musculaire pour faire de l’esthétisme.
À plusieurs, les mamas deviennent QUEEN
À l’image de Malika.
Des femmes fortes qui ont enfantées les plus beaux insignes.
SAL’ÂME ALI BOOM, KELTOUM !
Ils sont DEFFOUS ces Algériens !

Texte: Angélique Leroy
inspiré de
Malika, de Keltoum Deffous
à voir illustré dans Galerie Amavero

Traverser et être traversé

Pour dire ce que m’inspirent les œuvres de Chantal Fontvieille réunies sous le titre « À travers », j’emprunterai un détour : celui du mot traverser lui-même. Chantal connaît ma passion pour les mots. À vrai dire, plonger dans leur épaisseur sensible, me laisser traverser par eux, écouter ce qu’ils ont à m’apprendre, c’est bien plus pour moi qu’un détour, c’est ma voie d’approche vers le monde.

Pour parler des cibles exposées par Chantal Fontvieille, ces objets traversés de déchirures mais aussi de lumière, je ne peux séparer « traverser » d’« être traversé ». La vie, me semble-t-il, entrelace constamment ces deux expériences.

Le cours de la vie ne coule pas comme celui d’une rivière tranquille dans son lit. Il est sans cesse barré d’obstacles qui viennent se jeter en travers de sa route, sans cesse traversé par d’autres cours. Dès que les enfants sont en âge de marcher dans la ville, exposés au flot des voitures, ils entendent ce cri : Attends-moi pour traverser ! Et quand vient l’âge où ils sont fiers d’avoir enfin le droit de sortir, c’est alors : Attention en traversant ! On n’emploie même pas de complément : traverser, c’est traverser la rue, cela s’entend. On ne laisse l’enfant traverser seul que lorsqu’il a compris que son propre cours à lui n’est pas tout puissant, qu’il ne peut pas suivre son avancée dans l’insouciance de tout ce qui vient se mettre à la traverse. 

Oui, traverser, c’est dangereux. Une épreuve périlleuse. Les flux qui traversent notre vie risquent de nous emporter. On peut se noyer dans le fleuve qu’on tente de traverser à la nage. La représentation imaginaire qui règne sur la traversée, c’est sans doute d’abord celle-là, celle de l’eau. Une représentation venue du fond des âges, depuis le désarroi de l’homme primitif en quête de nourriture quand son avancée se heurtait à un cours d’eau. Et puisque la traversée est péril du passage, comment ne serait-elle pas aussi associée au plus terrible, au plus mystérieux des passages : celui de la mort ? Tragique traversée à l’horizon de notre courte existence. Depuis les plus lointaines mythologies, le passage dans l’au-delà fait intervenir une traversée souterraine en barque. Charon, le passeur le plus célèbre, fait traverser le fleuve qui sépare le monde des vivants de celui des morts. Du reste mourir se disait aussi autrefois transir, ce beau verbe qui signifie « passer au-delà »  – il en reste quelque chose aujourd’hui dans trépasser.

C’est peut-être la seule traversée qui, bien que nécessaire et désirée par toutes les âmes qui attendent Charon sur la rive, ne s’accompagne pas de triomphe. Car traverser commence comme triomphe, et c’est ainsi que je l’ai d’abord entendu. Triomphe de la première traversée de la Manche à la nage en 1875 ; de celle de l’Atlantique en avion par Lindbergh en 1927 ; fascination chaque année, pour les traversées en solitaire. Admiration générale pour les œuvres qui ont su traverser les âges. Prestige du valeureux héros des contes, qui traverse les adversités successives comme autant d’initiations. Triomphe à coup de trompette de l’entrée des Hébreux à Jéricho après la traversée du désert. Mais aussi, plus ordinairement, victoire remportée par chaque être humain qui parvient à traverser les épreuves. Dans la tragédie, cela s’appelle « destin », comme Racine le fait dire à Néron : « Ainsi par le destin nos vœux sont traversés » (Britannicus, acte III, sc. 8). Mais dans nos vies aujourd’hui moins soumises à la loi du destin, on conçoit volontiers les épreuves en termes de traversée à accepter et à accomplir. On en sort indemne, voire grandi. On a traversé le péril, sans trébucher. On s’est tiré de l’embarras où il nous plaçait – et dans embarras on entend bien ce qui barre, barrage, barrière, barreaux qui emprisonnent. On a relevé le défi. On est parvenu de l’autre côté. Sur l’autre rive. 

Ce passage sur l’autre rive, c’est trans qui le porte, dans le mot traverser. Trans, qui signifie « d’un côté à l’autre, à travers, au-delà » comme dans transformer, transfuser, transporter ou, sous la forme tra, dans traduire. Et puis dans traverser il y a aussi vertere, dont le premier sens est « tourner » (d’où vertige, convertir, verso, inversion, et même univers…, une liste de dérivés proprement vertigineuse !).  Mais il signifie aussi « se tourner vers », c’est-à-dire prendre telle ou telle direction. Quand on tente une traversée on se lance au travers de l’obstacle. Il s’agit, résolument, d’arriver à se transporter de l’autre côté.  

Mais l’obstacle à traverser ne se présente pas toujours horizontalement sous nos pieds, à la façon d’un fleuve. Parfois il se dresse verticalement : un mur, une paroi opaque. Alors il s’agit d’y découvrir une trouée, ou d’y pratiquer une brèche, pour pouvoir passer à travers. Pour continuer sa route de l’autre côté. Une fois que cela a été franchi. 

Alors ce peut être le lieu d’un autre triomphe. Un accès à l’inconnu que l’obstacle nous dissimulait à la façon d’un écran ou d’un voile. La traversée se fait traversée des apparences, comme dans le roman de Virginia Woolf qui porte ce nom. Alice passe derrière le miroir dans le roman de Lewis Caroll De l'autre côté du miroir, et ce qu'Alice y trouva. Chez Rimbaud, c’est le rayon violet du regard qui déchire la trame des apparences et fait accéder aux « Silences traversés des Mondes et des Anges ».  Dépasser l’apparence pour accéder à une vérité, ou du moins à un sens jusque-là caché. Traverser le miroir, déchirer le voile ou la nuée qui cache le ciel : ces motifs traversent l’histoire de l’art et de la littérature. Peut-être la connaissance passe-t-elle toujours par la déchirure d’un écran : « Considérons au travers de quels nuages on nous mène à la connaissance de la plupart des choses » (Montaigne, I, 27).

Les cibles qu’utilise Chantal Fontvieille sont, elles aussi, comme des murs, des voiles ou des écrans, placés verticalement en face de soi. Mais c’est volontairement qu’elles ont été ainsi disposées et dans une intention toute différente. Le tireur à l’arc ne vise rien au-delà de la cible, il ne s’agit pas pour lui de la traverser lui-même. Nul péril en jeu, seulement le risque d’un échec. Il faut réussir à transpercer cette cible de sa flèche, à l’atteindre en plein centre. C’est là que sera le triomphe. La portée du geste s’arrête à la surface de cette cible. Peu importe ce que le tir a laissé comme traces derrière. Imagine-t-on un tireur à l’arc venir contempler l’envers de la cible ? Pas plus qu’un chasseur s’agenouillant près de la bête qu’il vient de tuer pour panser ses blessures. 

C’est ici que l’intervention de Chantal Fontvieille rompt avec toute tradition antérieure, dans une approche toute neuve. Elle ne s’intéresse pas au triomphe du geste de traverser, que ce soit traverser la cible en plein centre, ou sortir indemne d’une zone périlleuse pour continuer sa route de l’autre côté, ou accéder à un inconnu placé au-delà de l’obstacle. Elle passe de l’autre côté, oui, mais seulement de l’autre côté de la cible, son envers, son verso. Il ne s’agit pas d’aller voir comment c’est plus loin, une fois qu’on a traversé, non mais de voir ce que ça a fait sur l’objet traversé. En l’occurrence sur l’objet transpercé, avec toute la violence de ce geste. Car dans le lancer de flèche il y a l’intention de pénétrer l’objet, de s’y enfoncer, de l’atteindre – oui, comme on dit de quelqu’un qu’il « il a été atteint par un événement ». Une fois cette intention réalisée, la cible perd tout intérêt. Qui, à part Chantal Fontvieille, s’intéresse aux effets produit sur elle, aux marques, aux traces qui s’y sont imprimées ? J’y vois pour ma part une attention proprement féminine, aux blessures du monde et des êtres.

Cette cible est bien plus qu’une cible. C’est la trame du monde, déchirée par les coups qui l’ont atteint. Chantal Fontvieille passe sur l’envers de la trame, pour considérer les traces laissées par cette violence. Elle interroge l’envers du monde. Elle reste là, auprès de l’objet traversé, penchée sur lui. Il cesse d’être quantité négligeable, simple obstacle qu’on escamote aussitôt qu’il a été franchi. 

Cette cible, c’est nous, aussi. Nous tous, les êtres troués par tout ce qui nous traverse. Nous tous, les êtres traversés. À rebours de l’image traditionnelle de la vie comme traversée : non, dans ce parcours on est bien plus souvent traversé que traversant. À rebours de la traversée triomphale, considérée uniquement dans son efficacité, comme franchissement pour pouvoir continuer sa route au-delà, et jamais comme phénomène en soi, dans les effets qu’il produit et les traces qu’il laisse. 

Être traversé… Oui, nous le sommes constamment…Par ce qui traverse notre esprit, par les sensations qui nous parcourent… Une pensée, un doute, une inquiétude nous traversent. Pascal parle des troubles qui viennent traverser notre repos. Introuvable repos, puisque nous baignons dans les flux qui nous traversent. Le cours de notre vie croise à tout moment celui de la vie des autres, d’où remous et tourbillons. Le langage lui-même est un courant qui nous traverse, qui existait avant nous et sans nous. Et aussi les courants d’influences venues des générations qui nous ont précédés. Et puis encore les imprévus, les accidents, les maladies, les deuils… On entre en nous comme dans un moulin. C’est brutal, c’est tempétueux, torrentiel même. On est livré au monde. On est un lieu de passage. On est tout transi de peur, de froid, d’effroi. Traversé, tremblant, trébuchant sur les chemins. Jeté à tout moment au travers du monde, hors de nos abris. Tragique traversement. Comment ne pas prendre mal, ne pas prendre de travers ce qui sans relâche nous pénètre, nous sillonne, nous transperce ? 

Et pourtant, être traversés, c’est notre condition d’êtres vivants, c’est le flux même de la vie. Celui de notre respiration, l’air qui nous traverse, entre en nous et en ressort. Non, décidément, la vie n’est pas une traversée, mais bien plutôt un flux qui nous traverse et nous porte. Il coulait avant notre naissance et continuera au-delà. Il est parfois lui-même traversé d’obstacles, mais les franchir ce n’est pas un triomphe personnel à verser au compte de nos aptitudes conquérantes, c’est le mouvement même de la vie, qui nous pousse plus loin. Seulement cette représentation-là est moins flatteuse pour notre moi. Si nous sommes essentiellement traversés, nous ne pouvons plus nous concevoir comme des entités distinctes, autonomes, mues par leur volonté et leur courage. Le vaillant chevalier traverse triomphalement les fleuves les plus périlleux, les forêts les plus impénétrables, les flammes que crachent les dragons, mais il n’est pas censé être lui-même traversé. Son prestige de conquérant perdrait beaucoup à s’aventurer dans ces zones troubles de féminité réceptive.

Peut-être abandonnerait-il même alors la voie droite qui le mène si résolument vers son but. Être traversé comporte le risque – ou l’opportunité – d’un changement de direction. En termes de marine, on dit qu’on traverse une voile quand on lui offre la plus large prise au vent pour faire tourner plus aisément et plus vite le navire autour de son axe. Oui, se laisser traverser c’est aussi présenter au monde la plus grande largeur de soi-même, laisser le vent s’y engouffrer, lui offrir notre voile déployée, le laisser libre de nous faire changer de direction. Comme le disait plus clairement autrefois le mot traverser. Dans les romans médiévaux on pouvait annoncer Ici traverse [change] l'aventure pour signaler un tournant du récit. 

Se laisser traverser : se lancer dans le monde comme on s’en va à travers champs, très loin de la grande route droite, avec le risque de perdre le chemin du retour. Dans le désir passionné de ce qui nous traversera. « La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle. »   (Marguerite Duras, L’Amant)

Se laisser traverser. C’est sentir aussi, si on écoute bien, que tout ce qui nous traverse nous quittera un jour, pour poursuivre sa course au-delà de nous. Il est heureux que les événements, les affects et les passions nous traversent et finissent par ressortir de nous, de l’autre côté.  Ils ne restent pas enkystés en nous, sans issue. J’aime à penser qu’en ressortant, ils laissent bien autre chose que la trace d’une blessure dans notre dos. Qu’ils soient porteurs de notre devenir. Oui, même s’ils nous bouleversent et nous renversent, qu’ils soient d’une manière ou d’une autre versés au profit du devenir.

Alors la liberté qu’il nous reste, parmi tout ce qui nous traverse, c’est de décider parfois d’en traverser résolument toute l’étendue, d’acquiescer à ce flux, de le laisser nous travailler et d’accompagner la transformation qui s’amorce, pour la mener jusqu’à son terme, jusqu’à l’autre rive. C’est peut-être ainsi que se produit parfois la création : comme la traversée résolue de ce qui s’est présenté en travers de notre vie. L’accompagner jusqu’à son terme, ce serait accomplir sa transformation en œuvre. Pour Chantal Fontvieille, transformer les traces de blessures en tableaux traversés de lumière. Faire de la beauté avec des déchirures.

Texte: Sophie Coste
inspiré par quatre œuvres de Chantal Fontvieille  à voir dans Galerie Amavero

pour en savoir plus sur Sophie Coste et son livre à paraître Gestes de femmes
pour en savoir plus sur Chantal Fontvieille

Quintessence

La goutte perle
Sur le front
Sur la feuille
Sur l’herbe
Et parmi
Tous les affronts
La goutte sonde
Les yeux
L’écorce
Un brin
Par manque
De force
La goutte tombe
De peur
De saison
De joie
Elle se découvre
Goutte ronde

Texte : Malla
inspiré d'une photographie de Poppy'AR
lire et voir la récitation musicale par Poppy'AR dans la Galerie Amavero

L'ange volé (The Stolen Angel)

La noirceur contemporaine n'est qu'une ombre
On ne m'interdira pas l'ineffable joie
Je m'assieds... Je me tais... J'apaise mes décombres...
Jusqu'à la Vie généreuse qui partage nos voix

Today’s darkness is but a shadow 
Ineffable joice won’t be banned to me
I sit down... I stay silent... I soothe my ruins...
Until the lavish Life that shares our voices

Texte de Bernard Gast www.bernardgast.com
inspiré par une œuvre de l'auteur : L'ange volé ; Bernard Gast © L'ange volé (2004) – ‘Peinture avec le Cinéma’ (1,3 x 1,8 m) © Adagp (collection privée)
Bernard Gast est un artiste plasticien qui crée des œuvres à partir de pellicules 35 mm de cinéma et écrit ses propres textes sur ses œuvres

Toi qui t'es tu

Qui es-tu
toi qui t’es tu ?
Toi qui ne pépies plus.

Sur un fil tendu,
je t’ai entraperçu.
Je me suis reconnue.
Deux pattes frêles,
et un ersatz d’ailes,
un cœur-citadelle
en guise de maison,
et nos imperfections
comme belle toison.
Dans nos silences,
Naissaient les confidences,
nos histoires d’errance.
Et sur ce fil tendu,
toi qui ne pépiais plus,
moi,
je t’ai entendu.
Un moineau ordinaire,
ni bavard, ni disert,
qui dans son nid d’hiver
tendait ces ailes pour ressembler
aux vautour ou aux éperviers
aux aigles épris de liberté.

Toi tu te sentais grêle,
perché sur ta ficelle.
Petit, si petit
au milieu des géants.
Moi, je me sentais fragile,
assise dans la ruelle,
petite, si petite,
et presque insignifiante.

Nous nous racontions nos histoires,
sans un mot, sans parler.
Dans nos regards noirs,
nous lisions les secrets,
et nos ailes brisées,
et nos corps chétifs,
et nos coeurs sensibles,
et nos silences débiles.

Et dans un cri, fébrile,
moi je t’ai chantonné :
« Je t’aime, tel que tu es ».
Et toi petit oiseau,
que je trouvais si beau,
tu t’es mis à chanter.
Bien mieux que l’épervier.
Bien mieux que le corbeau.
Et moi, avec mon coeur d’enfant
au milieu des titans,
je me suis mise à danser,
Je me suis mise à aimer.
Bien mieux que ces furieux,
Que ces gens trop sérieux,
Bien mieux que les gens normaux
Qui ne parlent plus aux moineaux.

Texte et musique : Léa Cerveauillustré par une image de l'IA Canva
à voir en "Poésique" dans Galerie Amavero

Hommage à Magritte

Dany a des livres plein la tête.
Des livres savants,
Des livres d’enquêtes,
Des livres à l’eau de pluie,
A l’eau de rose,
Certains qu’on utilise comme parapluie
D’autres qu’on pose…
Et qui calent une porte, ou un creux.
Des livres que l’on dévore,
Dont on tombe amoureux.
Certains dont on se lasse avant la fin,
Certains qui nous agrippent par les mains,
Avec lesquels on danse jusqu’au petit matin.

Des livres,
Aussi discrets qu’un sémaphore,
Aussi secrets qu’une métaphore,
Aussi dévorants qu’un rébu
s De Magritte au début,
Puis mystérieux sur la fin,
Avec un goût de jamais lu.
Des histoires d’art et d’épées,
De capes et d’été,
De soleil qui vous toisent,
Et puis de mer d’Iroise.
Des livres en somme !
Qui emplissent la tête,
Que dis-je ? Le cœur des hommes.

Texte: Léa Cerveau
inspiré de
Hommage à Magritte, de Dany

chêne de bronze

ci-git un chêne
de bronze

la neige tombe
sur les Tuileries
voyelles gelées
et les passants muets
qui passent dans le jardin français
c'est janvier

bientôt
aux branches immobiles
une sève nouvelle fait chanter les rameaux `
sibyllines voyelles
voici l’if et le frêne
le peuplier et l’aulne
et l’autre chêne vert

chêne aux veines d’airain
tu demeures
renversé
dans l’été qui accable

puis les chaises vides et le vent qui sibile
les passants et les feuilles
les voyelles tombées
les châtaignes éclatées
et ton tronc
de novembre
arrêté
mordoré
dans le jardin français

Texte de Sylvie Dallloz inspiré de : L’Arbre des voyelles,  de Giuseppe Penone
(dans le Jardin des Tuileries). Photo : Raymonde Contensous

nuit et lumière

La nuit aime la lumière, elle y voit ses bijoux,
Avant que le jour ne les lui vole, les étoiles sont ses perles.
Le ciel n’est pas sur nos têtes, il est tout autour,
La terre flotte dans un grand vide,
La terre flotte dans un grand tour.
Je suis un passager, à bord, je suis sa fourmi.
Avant que le jour ne vienne,
Je demeure anonyme, sans ombre et sans bruit.
Je savoure sa rivière
De lumière, attaché à son vide.

Texte Alexis Amiotte inspiré par l'affiche Emocions de Caroline Pageaud, à voir dans Galerie Amavero

Trois fois murmuré

Je serais ce violoniste
Qui joue à la fenêtre
Derrière les volets bleus
Ma musique monterait jusqu’aux nuages
Et la tristesse glisserait
Sur mon costume jusqu’à terre
Où elle dessinerait une tache de deuil.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La beauté sortirait à peine de l’eau
Je viendrais la sécher
Avec des éponges bleues.
Je jetterais à ses pieds des bouquets
Trop vite coupés.
Et je pleurerais de son parfum évanoui.
Elle ne bougerait pas,
Ni statue, ni femme,
La beauté lointaine sortie de l’eau.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La souffrance tombait de ses épaules arrondies
Sa robe de lin décelait les sanglots accumulés
Elle se taisait et retenait ses mains sur ses cuisses fermées.
Greta sortie de l’enfance bourgeoise
S’enferme dans le deuil du désir.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

Texte: Corinne Valleggia
inspiré d'Henri Matisse: Le Violoniste - Le Luxe - Portrait de Greta Prozor
mis en scène dans Galerie Amavero

Le Vénérable des chênes

Le vénérable des chênes, la plainte du vent dans la chevelure des cyprès, la pluie qui incante sur le toit vieilli d’une grange : tout, je veux tout garder de cet automne que je vis à cloche-pied et en bottes en caoutchouc et qui me mène gaiement à mes cinquante ans, ce printemps de la sagesse au goût d’enfance et de madeleine de Proust.
Dans ce terrain de vie sublime et cruel qu’est le monde, je déclare avec force qu’il nous faut faire feu de toute joie.
Oui ! Vivre jusqu’à l’ivresse, tirer le vin du plaisir jusqu’à plus soif, refuser la pesanteur du présent qui fige et sclérose dans un désenchantement mortifère et aimer chaque jour ses inspirations miraculeuses et ses expirations délivrantes.
L’âme saura-t-elle retrouver l’émerveillement des premières fois ?
Aimer est simple.
Il suffit de jeter sa tendresse infinie vers chaque acteur du vivant, de l’arbre à l’oiseau et de l’oiseau à l’homme.
L’homme dans toute sa pluralité.
C’est d’abord rencontrer le singulier et la magie en soi.
C’est tomber en amour pour l’âme que l’on abrite.
S’aimer !
L’aventure de toute une vie que de se défaire des attentes d’autrui, de cesser d’espérer ce qui n’attend que d’être conquis, de guérir de ce qui parait inconsolable.
A force d’abandon, la femme que je suis a retrouvé la fillette espiègle qui, du haut de ses huit ans, maîtrisait la nuit et les dragons de la rivière de sa grand-mère, l’enfant rêveuse qui cherchait le monde derrière le miroir énigmatique des flaques et sautait à pieds joints dans l’inconnu.
C’est tout un apprentissage, adulte, de redevenir un enfant.
Relisons donc le Petit Prince, du grand émerveillé devant l’Éternel qu’était Antoine de Saint-Exupéry.
L’enfance est le vivier inépuisable des possibles, presque une résistance dans un temps qui l’écourte et l’ébrèche comme pour nous empêcher de profiter de ses trésors.
Alors, soyons vieux mais soyons fous.
Dansons comme des funambules sans penser à la chute.
Que le jour qui point vous soit fête.
Je pars jeter mes souliers dans les flaques.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Virginie Roques
Œuvre : Childhood - The Then Largest , de Hilma af Klint

Le Jeu de l'arbre

Un arbre planté dans un square
Ombrage les boulistes du soir.
Se prenant parfois un coup de métal,
Il tient bon lorsque ricochent
Sur ses écorces solides
Des boulets reflétant
Ses racines sur la terre noire.

Et dans ce square vivant
Des bancs attendent des conquêtes,
Cœurs mûrs, seuls ou entourés,
Regardant les joueurs
Faire vibrer le sol
Jusqu'à la pointe des cimes.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte: Paul Artaut
inspiré de l'œuvre: Voyage urbain, de Lucas Ribeyron

Korax

Moi, j’aimerai être un corbeau,
premier initié du dieu taureau,
tout droit venu d’Orient,
directement de l’ancien Iran.

Moi, j’aimerai être corbeau,
Initié dans le respect
des secrets de ces solides
amitiés

Moi, j’aimerai être corbeau.
Mithra ne veut pas
qu’on parle de tout ça.
Être sans voix
Fait donc de moi un roi

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Hugo, poète sans voix #hugopoetesansvoix
Inspiré de : Cop 27 – Autoportrait, de Jam -  Toile sur chassis -  Techniques mixtes fusain, encre, acrylique, café - 30 x 40 cm - https://jam.creative-diffusion.com/

La Poule qui radote

Cot cot
Cocotte
Cot cot
Cocotte

Dans la basse-cour,
La poule caquette
Les mêmes sornettes
Encore et toujours.

Les animaux excédés
Lui ont pourtant demandé
De changer enfin, un jour,
Le sujet de son discours.

Pourtant la poule, un peu obtuse,
Sait bien pourquoi elle refuse
De changer l’objet de ses gloses
Et de discourir d’autre chose.

Par crainte pour ses organes,
Elle est, vous le comprenez,
Épouvantée à l’idée
De passer du coq à l’âne.

C’est pourquoi toujours
La poule caquette
Les mêmes sornettes
Dans la basse-cour

Cocotte
Radote
Cot cot
Cocotte

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte: Bernard Denis-Laroque
illustré par: Pascale Bordet

Ballade pour Geneviève Guevara

Dans ce ventricule, je me recentre dans toutes mes énergies positives,
Je regarde mon intérieur pour illuminer mon extérieur,
Je pullule de fluides qui veulent peindre l’amour fœtal,
J’unis mes vers pour être sur la même longueur d’onde,
Nous sommes en haute fréquence, nous nous rejoignons dans cette vie,
Cher Ange terrestre, un nouveau cycle recommence,
Tu représentes des “ba” ventres, des “ta” de centre d’intérêts, des “tha” de moi (*),
Je vois cette échappée belle dans le bleu cyanotype éclairé de lumière,
Le chiffre 5, mon nombre numérologique, est une synchronicité dans ce médusarium,
Ces flagelles en cytoplasme sont des vers luisants photoplaton (**),
Il nait des néologismes de références, de sciences humaines,
En abondance, du surréalisme, du prisme multivers,
Une philosophie de vie autodidacte dont les tableaux sont des mantras,
La voie philharmonique à suivre, une balade avec Geneviève Guevara.

(*) ba, ta, tha : lettres de l’alphabet arabe (b, t, th)
(**) photoplaton : néologisme en référence à la faculté visionnaire de Platon de voir loin, dans son instant présent qui est au passé pour nous.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Angélique Leroy
Inspiré de : Ascension, de Geneviève Guevara - 2023 - acrylique sur toile - 80 x 60 cm 

Souffle de vie

Si tu pouvais arrêter le temps,
Que retiendrais-tu de nos moments ?
Si l’air se figeait, rien qu’un instant,
Que garderais-tu absolument ?

Le frisson de nos premiers baisers ?
Nos étreintes un peu trop exaltées ?
Ou mon dernier souffle à tes côtés
Aussi léger qu’une brise d’été ?

Fixerais-tu nos mots insufflés
Aux quatre vents de l’éternité ?
Et nos envies toujours conjuguées
Au temps qu’il faisait, hiver comme été ?

Quand le monde cessera de tourner,
Je prendrai une grande bouffée d’air
Et la scellerai à tout jamais
Dans tous les contenants de la terre.

mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Élise - Les petits mots - son site et son instagram
Inspiré de : Petit Souffle, de Léa Dumayet - aluminium, 30 x 30 x 1cm - 2023 – son instagram

Femmes qui dansent

dans la ferveur de leur corps – elles dansent et dansant sont
comme une extension de la chair augmentée par la lumière
elles appellent l’été la chaleur et la couleur et leurs joues – leurs joues prêtes au baiser à l’amour au plaisir
leurs joues soudain rosies par la moiteur et séchées dans l’air doux qui frémit dans leur cœur
ainsi elles toutes – toutes nues – toutes offertes
à nul autre qu’à elles et
elles dansent
comme dansent les nymphes et les muses elles – elles qui dansent et qui dansent au-dedans de leur corps –
elles toutes qui s’agenouillent
là – devant leur dieu – un seul – l’orgueil
à l’autel sont pareilles à l’appel de la sève
tout en elles s’éternise et s’impatiente
comme on double d’un autre ce qu’on est en-dessous dessous la peau dessous l’os et encore en-dessous
elles – miroir éclaté qui se réfracte dans les rayons du soleil


mis en scène dans Galerie Amavero art et poésie
Texte : Chloé Charpentier 
Inspiré de : La Joie de vivre, de Clémence Pierrat
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier