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petits poissons

si les mots jaillissaient
comme l’eau de source
sans savoir d’où ils viennent
ni quel sens ils portent
libres
heureux de sourdre
ivres
résonnants
d’un simple glouglou
quels riches dialogues 
nous pourrions vivre

nous sortirions de nos igloos
comme un magicien 
le lapinou de son chapeau
des mots étincelles
déclencheurs de rires fous
des mots sauteurs d’horizons 
de la mer jusqu’au ciel
des mots créateurs 
de discours en cascade
fluides sans saccade

ah si bondissants comme des pur-sang
les mots pouvaient en s’agitant
de soubresauts de hoquets  
nous redonner la pureté
d’une parole immédiate et fière
alors le monde serait une rivière
coulant sur l’infini du rond
et nous ses petits poissons

Texte de Luc Fayard inspiré par le dessin automatique involontaire de son smartphone; voir Galerie Amavero

mésange bleue

l’oiseau n’est pas
seulement ce petit être
charmant comme
la mésange bleue
il est aussi l’animal
au langage le plus évolué
de tous les animaux
du son aigu à la trille
où l’envolée flutée
mais aussi en dansant
en gonflant les plumes
il sait dire tellement
de choses diverses
qu’on en reste coi
écoutons-le

oubliez-moi

grandiose
sublime
définitif
j’accepte de mourir
bien obligé hein
mais attention 
sans souffrir
ni finir gâteux
eh pourquoi pas
quand on désire très fort 
quelque chose
et que ça se produit
qui peut prouver 
d’où viennent
ce hasard télépathique 
ce miracle biologique
cet esprit œcuménique
qui sait

dans ces conditions calmes
mourir sans état d’âme 
ne serait rien d’autre
qu’un passage obligé
imperceptible changement d’état
une fois je respire
une fois je ne respire plus
à peine si l’on voit la différence
quelqu’un dirait tiens il est mort le vieux
comme s’il disait tiens il pleut
personne ne pourra discerner
ce grain de sable envolé
dans la tempête cosmique

seul souci
je ne veux pas faire de peine
à ceux que j’aime et qui m’aiment
à ceux-là je dis
oubliez-moi
vous allez voir
c’est plus facile qu’on croit
et rapide
oubliez-moi
un peu plus chaque jour
où que je sois
l’oubli tranquille et progressif
seule solution à la vie après la mort
oubliez même
que je vous aime
si mal d’ailleurs
que ça n’en vaut pas la peine
oubliez mon visage et ma voix
fragiles fusibles de l’être
oubliez mon âme aussi
incongrue sans relief
si peu inoubliable
mots volatiles
émois dociles

quand je serai mort
mon être sera
sans importance pour vous
soit il vivra sans vous
soit il n’existera plus
mais vous n’en saurez rien
oubliez les moments vécus ensemble
créations de l’atomique hasard
oubliez-moi 
de haut en bas
de dos de profil de face
oubliez-moi
sans effort
avec le temps qui efface
les minuscules traces
et quand vous m’aurez oublié
vous verrez
vous vivrez mieux
sans vous poser la question
de savoir si j’existe encore
quelque part

quand je serai mort
j’aimerai vous dire où je suis
je vous dirai
que je vous aime encore
que c’est vous 
qui m’avez fait exister
vos pas
votre souffle  
vos bonheurs
et même vos souffrances
qui devenaient les miennes
je n’aimerai pas mourir
sans avoir dit aux gens que j’aime
que je les aime
j’aimerai vous dire 
là-bas
dans cet ailleurs inconnaissable
que je pense à vous

mais du néant c’est difficile
et sinon
si jamais je pouvais vous parler
je serais sans doute surveillé
par un vieillard grincheux
comptable pointilleux
de mes grands et petits péchés 
quel ennui mon dieu

mes amis
un dernier mot
celui-là ne l’oubliez pas
même si vous devez oublier 
qu’il vient de moi
une expression tellement banale
qu’elle passera inaperçu
après tout ce temps perdu
je me sens moins nu
je sais enfin comment il faut vivre
moi-même je n’y arrive toujours pas 
autruche 
baudruche
mais je le sais
je le scande
il faut 
goû-ter l’ins-tant pré-sent
à tout moment
comme s’il était unique
sans après et sans avant
goûter d’un geste laconique
l’ici et le maintenant
du karma bouddhique
par essence par définition
le monde n’a pas de sens préexistant
c’est vous qui le lui donnez
respirez 
simplement
tissez vous-même
votre lien aux autres
devenez votre univers
en couleurs 
rose et vert
souriez 
c’est plus difficile
mais ça détend
faites le plein 
de l’instantané
je regrette tellement 
de ne pas l’avoir fait
pour moi c’est trop tard
un vieux ça ne pleure pas
ça geint
ça se souvient 
quand ça peut

je crois que je mourrai sans regret
mais pas sans peur
j’ai peur de la peur de mourir
je me vois essayant de me raisonner
si j’ai encore ma tête
voyons c’est simple
soit il n’y a rien et alors basta
paix aux morts et vive les vivants
soit il y a quelque chose
et ce quelque chose
prend tellement de formes inimaginables
foldingues 
énigmatiques
qu’il ne sert à rien de s’énerver

parmi les scénarios alternatifs
je me regarde et je me dis
peut-être pas tout de suite le paradis
mais l’enfer quand même non
ce n’est pas pour moi
j’opte pour la probabilité 
du purgatoire
en mesure conservatoire
mais combien de temps
on s’en fout
le temps n’existe plus
de quoi te plains-tu
homme veule et nu 

tourbillon

elle tourbillonne sans connaître sa force
moi je n’ai que des mots
elle est le tronc moi l’écorce
incroyable elle entre sans permis dans mon cœur
tandis que je gratte le sien coucou bonheur
elle est la vie qui bouge et bondit
avec elle tout est beauté
elle est la compassion née
chez elle est tout est vrai
elle souffre avec ceux qui crient
elle sait pleurer comme un gouffre
et moi je me terre de peur de sombrer
inassouvi le cœur buté
et pourtant pourtant
si j’avais le temps
je lui dirais les mots ne sont pas que des mots
ils sont aussi un bout d’âme brute 
un morceau d’éternité
oui j’oserais dire l’infini face à la vie
je lui dirais
l’amour est une forteresse contre la mort
que je bâtis autour de toi mauvais maçon
ivre de mots remparts leviers pinceaux
mon tourbillon ma vérité
calligraphie de mes sentiments agités
ma respiration petit grain de blé
un poisson bouche ouverte vers l’immensité
ma réponse une pause un bras
un paysage qu’elle seule reconnaîtra
elle saura que j’en suis l’auteur
riant de toutes mes erreurs
des feuilles de hêtre sur un tronc de platane
elle me dira tu peins comme un âne
et elle m’embrassera attendrie
rêvant devant ce soleil éternel
que moi seul aura su créer pour elle
la tête sur mon épaule 
alanguie
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier