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paysage

la pierre et le sang
le chêne et la cendre
le pin et la croix
l’eau qui sourd
en chuintant
le ciel repeint
comme un décor
la colline traître
derrière sa rondeur
la montagne
aux pics de brume
et sur les chemins
qui tournent toujours
les cailloux blêmes
durs et tranchants
pour vous rappeller
qu’il faut avancer
quand même

Hommage à la Provence

Texte de Luc Fayard inspiré par les tableaux Postcards from Provence, de Julian Merrow-Smith, à voir dans Galerie Amavero

la voix de l'invisible

je suis le courant abyssal 
portant la mer sur ses épaules
je suis la rosée du matin
avant sa première perle
je suis la racine de l’arbre 
qui le pousse vers le ciel
je suis le murmure des feuilles
pénétrant la peau
comme une perfusion de douceur

mon pollen donne la vie à tout être
qui veut la goûter
mes parfums enivrent les âmes
unies dans le même souffle
ma tristesse façonne l’esprit
pour le fortifier
mes désirs vibrent à l’unisson
comme les cordes d'une harpe
mes ondes créent l’arc-en-ciel de lumière
sur la voûte du chemin

je suis le vent de toutes les colères
et de l’amour aussi
je suis l’aiguille de l’horloge des cœurs
et quand mes rêves construisent 
la réalité du silence
je suis l’impossible pensée avant les mots

je suis le destin la peur 
la mort
je suis la beauté 
née avant toute chose
avant même 
la gravité de l’univers

Voir mise en scène dans Galerie Amavero.

sud

rempart de la moustiquaire vitres ouvrant le cœur soudain le chant des cigales s’éteint pleine lune sa lumière efface les étoiles attente mystère absence creusée par la disparition progressive des gutturalités enfantines répétition silence la maison se referme sur elle accordéon du poumon balancelle des sentiments dehors le chaudron empêche de respirer dehors on vit toujours on avance forçats fouettés au sang on rêve du voilier si loin du temps et de la terre là-bas sur les infinis où le regard se perd retour réalité ici bloqué par les gris marrons verts propices à la méditation chênes verts et chênes blancs violemment entrelacés terrasse soleil terrasse frondaison et l’eau qui chuinte berceuse enrayée enfance murmures les murets du passé rappellent les vieux tabliers folie animale les geckos dormeurs sursautent d’un bond de crise cardiaque terre carapace rouge et dure où les doigts saignent secret transmission l'âme chante quand même

Texte de Luc Fayard en hommage à Tristan Tzara et Jean Arp, Vingt-cinq poèmes, dix gravures sur bois, Collection Dada Zürich; voir la mise en scène illustrée par quatre oeuvres de Sophie Taeuber Arp dans Galerie Amavero

la vie par la fenêtre

liquidambar
exhalant maigre
un long sanglot
sur ses bourgeons

en ligne haute
d'un val bruyant
la canopée
coiffée en blanc

le vent figé
encrant la scène
comme un tableau
de Pissarro

le chêne mousse
ouvrant ses bras
aux oiseaux bleus 
lustrant leur nid

et devant moi 
en possession
du fauteuil gris
dort le chat roux 

lové en rêve
à l'immobile
il est la mort
guettant sa proie

l’animal    |   moi aussi
respire     |   moi aussi
au ralenti  |   moi aussi


Texte: Luc Fayard
inspiré par la vérité confirmée par la photographie de Luc Fayard
voir la mise en scène sur Poésie de l'Art

trait noir

trait noir d’horizon
surmonté d’un demi-cercle
qui deviendra cercle
se hissant lentement
fatalement 
le plus haut possible
dans le ciel
tous les jours
jusqu’à la fin du monde

coincés entre la voûte bleue 
et le vaste foncé 
glissant parfois vers le vert
bloquées entre ces deux univers
de fines couches orangées
font les tampons ouatés
entre deux mondes

tous les matins sans musique
à l’heure à peine glissante
se déroule la même lente 
et splendide cinématique

rien ni personne d’autre
pour la goûter
pas même un cri d’oiseau
silence de pleine mer
sauf ce léger bruissement
de brise tiède
aux multiples futurs

et si en plus ce jour-là
la mer est plate 
l’homme vivra
il le sait
la seule expérience possible
du paisible infini

conscient de son humble position
invité du dernier rang
quand la nature oxygène 
l’âme du marin
il respire sans fards la splendeur 
du plus beau spectacle du monde

chaque jour
minimaliste 
le même scénario
et pourtant chaque jour 
une émotion différente
étreinte de vérité
crainte de faiblesse
offrande de beauté
mystère de demain
bout d’éternité 
dans un bout d’âme
fenêtre ouverte 
sur l’absolu

debout sur le pont 
tête haute 
main serrant la filière
dire merci

parfois à l’aube
les couleurs grimacent
vers le plus noir
le vent a choisi de forcer
la mer aussi se fonce et bouge
secouée par en-dessous
du bruit plein les oreilles
ça siffle et ça tape
beaucoup de travail
les mains prises
pas le temps de rêver

mais le marin le sait
là-bas derrière la brume
et la barrière de pluie
même dans le gris
et la lourde fureur
le disque se lève encore
et encore

immuable beauté 
de la nature
sans spectateur

Texte: Luc Fayard

éloge de l'ombre

bien sûr il a fallu 
que naisse la lumière
pour ensuite l’oublier 
définitivement
ne garder que les demi-teintes
et surtout les jeux les renvois
les bégaiements 
avancer sur le côté 
balbutiant

laisser l’âme s’émouvoir de l’obscur
le cœur frissonner du soupçon d’un remous
le sourire s’embellir de l’énigmatique

contempler les aspérités 
pour ne pas s’en blesser
suivre les perspectives en flèches
vers les frondaisons dansantes

ne rien croire d’abord
tout imaginer

écouter le vent quand il trouble la pluie
profiter de la fraîcheur entre jour et nuit
quand la vie prend le goût 
d’un petit grain de sel 
glissant sur une peau  tannée

de l’amour 
ne retenir que ses frôlements
débuts bruissements
les senteurs de jeunesse
 silences rapprochés
la brutale attente de la rencontre
instants figés

dans la nature et dans l’homme
étudier sans cesse le plus fort contraste
la ligne de fuite évasive et décidée
qui dessinera l’arrière-plan

dans les replis brumeux
déformer la silhouette du temps 
suivre les fantômes blancs
dans les traces des passants

et quand tu graveras
ton propre sillon
sentir comme l'iode
la liberté t’envahir
à pas de géant

Hommage à Junichiro Tanizaki

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

illustré par 
Nocturne in Black and Gold - the Falling Rocket, de James Abbott McNeill Whistler ou bien par Mystère et mélancolie d'une rue, de Giorgio di Chirico

quatre actes

la branche et l’algue
le ciel et la mer
l’herbe et la mousse
le ruisseau et la montagne
on entend tous les chants
le cri étonné des oiseaux
le ruissellement soyeux de l’eau
le frottement tiède du vent
tous les actes de la vie
joie ou tristesse
espoir ou peine
se jouent en quatre actes

Texte de Luc Fayard, inspiré de quatre acyliques, de Martine Durou

masques et signes

c’était un temps
de masques de signes
le monde magique
oubliait l’avant l’après
on se parlait sans mots
de pensée à pensée
la nature guidait
les gestes des êtres
qui doutaient encore
de l’union parfaite

ligne bleue

la nature manquait encore
de formes adultes
sa peau s’étirait
transparente
en multiples couches
de limbes teintés
fallait-il suivre
la grande ligne bleue
ou chercher
à travers les vallons
moussus et touffus
son propre chemin

respiration

je respire jour et nuit
à pleine âme
le ciel qui s’unit à l’océan
la caresse sifflante du vent dans les voiles
la lumière bruissante du sillage des planctons
réceptacle je respire les éléments en fusion
mystérieux le cerne d’un feu lointain
solitaire le bonjour d’une frégate nerveuse
drapé le silence du paysage
étoilée la nuit de cinéma
blanche et grise l’aube rose et bleue
plus belle ici qu'ailleurs
tout converge vers moi spectateur ébloui
passager nomade éphémère de la mer
j'y respire un air plus fort que la vie

réceptacle

il faut marcher
sous ces arbres
sentir les parfums voler
voir les couleurs s’épauler
vibrer de cette vie multiple
l'énergie pure
faire le silence en soi
ne plus être
qu’un réceptacle absolu
des cadeaux de la forêt
de ses bruissements de larmes
qui vous font

unisson

le bleu court
le marron noircit
le vert frissonne
le gris s’assombrit
la nature est un spectacle 
de couleurs qui fuient

le vent dans les feuilles
le soleil sur la peau
le brouhaha de la vallée
la valse des odeurs
la vie est un habitacle 
de forces invisibles 

le cœur s’emballe 
le corps refroidit 
l’âme s’attriste 
l'esprit s’enflamme 
l’homme est un réceptacle 
à l’unisson du monde

inanité

mon âme est le vent
mon corps la terre boueuse
ma vie une plante
entre ciel et terre

nu l'arbre est un arbre
feuillu aussi mais alors
que se passe-t-il
entre deux saisons

la feuille tombe sur le sol
et s'y installe
qu’y recouvre-t-elle
qui vit sous elle

formes sons odeurs
je vais tout oublier
et rester arbre
repliant mes branches

et quand je serai vide
nu de toute frondaison
je ricanerai
d’inanité

comme un son de renaissance inédit

quand la mer frustrée de ses va-et-vient
aura stoppé d’inutiles marées 
quand les sourires se seront lassés
d’avoir créé ce monde vide et plein

quand la fin de l’amour aura tendu
son manteau ouaté sur les âmes nues
quand la poussière suspendue en l’air
aura révélé de nouveaux mystères

quand la course du ciel sera courbée
par le poids des remords et des regrets
quand les nuages auront dit au monde
voici l’ultime ronde vagabonde

quand les collines là-bas et les monts 
auront tourné leurs obliques rayons
vers d’autres esprits objets et regards
que ceux des hommes lisses et hagards

je me tairai mes mots n’auront plus d’âge
ni mon cœur ni mon âme de courage

peut-être alors rompant le non-dit
tintera le chant d’un nouvel héraut
prolongeant son air d’écho en écho
comme un son de renaissance inédit

encouragé par lui on pourra

relancer la course des nuages
faire retomber poussière et vent
redresser la tête des montagnes
libérer le ciel en mouvement
caresser la mer et son tangage

et c’est ainsi que nait la nouvelle ère
abrupte qui renverse les chimères

cercle infini de l'enfant

je suis
la fleur rougissante du soir
le vent sentimental et dense
le chevreuil campé dans le noir
la forêt plantureuse en transe

je suis
la pluie marbrée bue goulûment
le nuage arrondi en pleurs
le rêve du monde écumant
la voie de l’ange du bonheur

je suis
la vie sauteuse de barrières
le chuchotement indistinct
le mot où la pensée se terre
le silence brutal divin

je suis
la friction de dissentiment
la pierre sur quoi trébucher
le poisson limpide et gluant
le lac abyssal encerclé

je suis
le buisson de varech errant
la fourmi peureuse aux aguets
le papillon virevoltant
l’herbe consumée par l’été

je suis plus que chaque élément
je suis la chaîne reliant

la fleur butinée par le vent
le chevreuil dansant en forêt
la pluie des nuages pleurants
le rêve d’anges métissés
la vie qu’on voudrait chuchotée
le mot pensé plein de silence
le heurt de la pierre butée
le poisson du lac d’abondance
le varech cachant les fourmis
le papillon herbe de vie

comme un grand ensemble une roue
je suis l’enfant qui perçoit tout

décor fendu

sur un bleu frissonnant de murmures
figurines ridées penchées vers l’avant 
cheminant côte à côte lentement 
les vieilles femmes longent les murs

les reptiles s’interrogent et s’évadent
de la pierre rose mal taillée
les frondaisons épaulées
se dressent contre l’histoire
les caresses anciennes restent vives
qui peut les oublier

les lignes de fuite se croisent 
comme des destins
griffant des ronds incertains
de lumière d’ombre et d’ardoise

le décor s’est fendu
il faut tendre la main
vers l’invisible le nu le silence
la vie est un tamis sans pépites
ni archanges 
rien que des grésillements

creuset mêlant
des visages qu’on n’oublie pas d‘hier
des palmiers de nostalgie plein le cœur
la cloche égrenant un air dur et fier
le décalage en harmonie couleurs

animal maladroit
on saute de pierre en pierre 
jusqu’à l’horizon
alors qu’on se voudrait poisson
fluide et optimiste 
plongeant dans les cercles infinis
de la mousse à l’abîme
on susurre de tout petits mots
fragiles mal choisis
alors qu’on désire l’embrassade
les cris la folie
l’accolade

sur la table jaune et lisse
la dame du flamenco prend la pose
là-bas le bois attend d’être coupé
là-haut le vieux nid se défait en bribes
le temps ne s’arrête pas il se démultiplie 
en d’interminables pauses
à chaque moment son sujet

dans la cour le vieux banc rouillé
parle avec le vieux banc de pierre
des moments de marbre et de fer 
chacun se souvient du passé

chaque tache conte une histoire 
pleine d’orage et de tendresse
on sent l’amour et la tristesse
flotter sous la surface noire

sous celle de mon cœur aussi

six haïkus du vent et de la nuit

le vent dans les feuilles
les ombres dans son regard
la nuit m'émerveille

elle m'a souri
en éclairant mon esprit 
à travers la brume

cette eau qui frissonne 
je n'en aperçois que l'onde
sans rien en dessous

la vie est filandre
le coeur araignée aveugle
l'amour pris en toile

la mare est de glace
le givre et le gris s'installent
où sont les lueurs

se plaindre qu'il pleut
autant refuser de vivre
la vie goutte à goutte

sons

d'abord un seul froufrou 
la source frétillante 
rebonds joyeux sur les rochers ronds 
notes soyeuses de musique légère 
longtemps seules dans l'espace-temps

puis les sons de la vie 
l'appel d'un oiseau 
simple et direct 
sans fioritures 
pas de temps à perdre 
dit l'animal

puis un grondement d'orage 
qui fait le fier 
pas bien méchant 

et toujours en fond de tableau 
la brise irisée qui respire doucement 

hélas même ici l'avion 
invisible et lointain 
ronchonne empereur hautain 
ineffable briseur d'unisson

seul

je sais que je suis seul 
des hectares à la ronde 
au milieu des arbres des oiseaux 
j’entends le gai clapotis de l’eau 
et bruire le vent rond 
je sais que je suis seul 
sous les nuages blanc et gris 
qui changent à tout moment 
la couleur du ciel 
la lumière de la terre 
et parce que je suis seul 
le miracle s’accomplira 
l’univers s’enfouira en moi 
je résonnerai de toutes vibrations 
mon souffle sera le vent
mon cœur le chant des ramiers 
et de la plante des pieds au dernier cheveu du crâne 
mon corps sera l’arbre enraciné la tête dans le ciel 
et quand tout sera consommé 
je hurlerai 
loup solitaire du haut de son mirador 

hélas la fusion n’a pas eu lieu 
mon âme imparfaite n’a pu se joindre à l’harmonie 
je suis resté extérieur à la symphonie 
pantomime ajouté à la beauté des choses 

il y avait un spectacle 
et je n'ai rien vu 
il y avait une musique 
et je n'ai rien entendu 

la nature n'a pas voulu de moi

réalité

je vois mon bureau l’écran la vieille fenêtre et sa vitre sale 
le trait de zinc impuissant à protéger la terre trempée 
je vois le buis rigide et fort les plates-bandes décharnées 
qui renaîtront pourtant une femme intrépide le sait 

je vois l’herbe vert et marron rase et bosselée 
la mare immuable désertée par les canards 
plus loin le saut du loup les champs et les forêts 
je ne vois personne dans tout ce paysage 

tapis les oiseaux pleurent les corneilles sont lasses 
les lapins s'emmitouflent le cul blanc apeuré 
et les sphères de la terre brassée par les taupes 
dessinent les toits aériens d'un labyrinthe caché 

puis je vois le ciel gris et noir qui prend toute la place 
le jeu des ombres sur la terre embrumée 
la lumière blanche transperce les nuages 
c'est bien moi le seul homme de cette vie animée 

je crée cet univers vibrant de mille souffles mêlés 
qui entrent en moi pour nourrir ma passion 
plan après plan tout n'est qu'extension 
je deviens herbe champ oiseau arbre forêt
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier