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paysage

la pierre et le sang
le chêne et la cendre
le pin et la croix
l’eau qui sourd
en chuintant
le ciel repeint
comme un décor
la colline traître
derrière sa rondeur
la montagne
aux pics de brume
et sur les chemins
qui tournent toujours
les cailloux blêmes
durs et tranchants
pour vous rappeller
qu’il faut avancer
quand même

Hommage à la Provence

Texte de Luc Fayard inspiré par les tableaux Postcards from Provence, de Julian Merrow-Smith, à voir dans Galerie Amavero

trois bambous

trois longs bambous gris 
hachurant la vue 
sans rien occulter

trois nuages ronds 
transmués dans l’eau 
en grosses meringues

trois buissons groupés 
révélant la chatte 
enfouie dans ses pattes

trois collines courbes
s’offrant mollement
à l’air du printemps

terre et ciel jaloux
du beau bleu de l’eau
appelant la nuit

tout va se voiler
sauf le bonheur né
de cette harmonie

Texte : Luc Fayard
inspiré de : Landscape with trees (1908), de Teodoro Wolf Ferrari (1878-1945), tempera sur papier (cité sur instagram par @lejardin_robo
à voir illustré en récitation musicale dans Galerie Amavero

la vie par la fenêtre

liquidambar
exhalant maigre
un long sanglot
sur ses bourgeons

en ligne haute
d'un val bruyant
la canopée
coiffée en blanc

le vent figé
encrant la scène
comme un tableau
de Pissarro

le chêne mousse
ouvrant ses bras
aux oiseaux bleus 
lustrant leur nid

et devant moi 
en possession
du fauteuil gris
dort le chat roux 

lové en rêve
à l'immobile
il est la mort
guettant sa proie

l’animal    |   moi aussi
respire     |   moi aussi
au ralenti  |   moi aussi


Texte: Luc Fayard
inspiré par la vérité confirmée par la photographie de Luc Fayard
voir la mise en scène sur Poésie de l'Art

oiseau libre

autour de toi
les champs se déhanchent
les nuages frémissent
les bancs d’oiseaux filent
puis au-delà du paysage
tout devient flou
tu vois ton cœur agité
de tant de désirs
les souvenirs tristes
ranimés à la surface
mais au-delà de tout
l’envie de partir
comme un oiseau libre

tout est dit

rien que du simple
au premier plan
une fermière et sa vache
un arbuste un pré
au second plan
un village
aux toits bleus et rouges
au dernier plan
une colline au sommet arrondi
aux champs bien délimités
et l’on comprend
que tout est dit

jaune

pays jaune
cela n’existe pas
un paysage jauni
comme celui-ci
et pourtant
quelle force quelle vie
dans les lignes
dans les formes
et l’eau si présente
qu’on la voit frémir
qu’on l’entend gémir
il fait chaud ce jour-là

allusions

l’étape est franchie
de la forme ne reste que
couleurs réinventées
et allusions
chaque chose
pourtant à sa place
on devine on imagine
on se laisse emporter
par la musique des teintes accolées
on voit la maison
on voit les arbres
on voit l’eau
ensuite
on ferme les yeux
et le spectacle continue
en chacun de nous

orange

ce n’est pas la pomme
qui tenta l’homme
mais l’orange
elle a tout pour elle
la forme si douce
la couleur si vive
et cet admirable goût
amer et sucré
posez-là sur la table
tout s’éclipse
plus rien n’existe
le reste n’est que prétexte
elle est le centre du monde
on a déjà l’orange à la bouche

neige (1)

la neige n'est pas que manteau
elle est baguette de fée
qui transforme le paysage
en voile de prière muette
voix vers le silence
tout se cache dans l’attente
ce qui reste apparent craint
neige épaisse fil d’ariane
reliant la terre et le ciel
l’homme et son âme
l’espace et le temps

voir l'oeuvre et l'artiste qui m'ont inspiré ce poème: Sainte-Amélie-des-Monts, par Amélie de Trogoff

maison secrète

il était une fois
sous un ciel gris
une triste allée d’arbres
aux feuilles d'étendards

de chaque côté
la haie touffue
la serrait en pressoir
à l'abri du vent

sur le lac gelé par les ans
le sentier menait 
en se rétrécissant
à un manoir secret

jamais personne n'y entra
moi seul connut celle qui l'habita
belle comme un fantôme glacé

pluie rouge

la pluie rouge tomba sur la ville
honteuse la mer partit se cacher
emportant avec elle les poissons affolés
les maisons blanches tremblaient de peur
puis un cri vibrant jaillit de la cote
déclamant aux gens perdus
creusez loin 
cherchez au-delà de l’illusion
née du cauchemar des hommes
vivez le présent
et ses cadeaux
le sourire revint sur les quais
et le monde finit par s’habituer
à ces couleurs nouvelles
qui rendaient leur vie plus joyeuse

jaune et rouille

nappes de vignes
aux multiples teintes
tirées d'une palette 
jaune et rouille
pénétrant les sens à vif

treilles dignes
gémissantes 
du poids du temps
dépouillées de leurs apprêts
les voici comme elles sont
fatalement désossées
maigres et nues
cernées des compagnons
chênes verts et blancs antiques
tordus par un sorcier sadique

ciel bleu et rose
aux incroyables diagonales
ouatées le matin
cristallines ensuite
ensorcelées le soir

taches de sang
des cailloux rouges
incrustés toute l’année
mais se détachant mieux
d'un paysage écorché

l’automne en provence
ce n’est pas l’automne qui danse
c’est une saison unique au monde
aux odeurs et couleurs invisibles
un jardin mystérieux
calme impénétrable 
et mythique


mille sources

c’était un juillet bleu
comme en connaît peu
au plateau des milles sources
pays trompeur
en apparence charmeur
qui cache des tourbières fourbes 
dans ses bouquets d’herbes et de fougères
malheur au marcheur qui s’y perd
il rencontrera plus d’un fossé impénétrable 
entre lui et son but
pays de rêve pourtant 
où tout est bucolique
le filet décidé d’un serpentin de ruisseau
le zigzag ivre des papillons blancs
la lumière tachée des hêtres frissonnants
les vagues de vent circulaires
bruissant dans les frondaisons animées 
le violet brutal des bruyères d’été 
ses forêts de sapins en flèches 
on se croirait à la montagne
alors qu’on n’y est pas
même un village se dénomme ainsi
faux-la-montagne
et pourtant ici
tout est vrai

pélican et iguane

le pélican a-t-il des dents
l’iguane une âme
qui sait
ici tout est différent
tout respire autrement
dans ces îles capricieuses
la mer n’est pas un gouffre amer
mais une vasque de coraux
où se trémoussent des poissons bleus

plus loin sur la côte 
la terre exhibe fièrement
ses orgues basaltiques
et là-bas sur la ligne verte
les surfeurs s’égaient en pirouettes

le coco à coque dure
tombe avec un bruit mat
sur le sable de la plage

la voile est un tamis 
où l’on se niche
entre le ciel et l’eau

au soleil de l’ile papillon
nos yeux se sont plissés
nos peaux couvertes d’écailles
nous sommes redevenus tortues
nos cœurs battent lentement
ici pour un instant
le temps a posé ses fardeaux

noir pour mourir

j’entends je vois la nuit
poignées à abaisser
volets de fer fermés
crissements nus des bruits

siffleurs de sphères vertes
marches blanches du pin
ronronnements urbains
branches nouées désertes

mats gris de parasol
arrière-plans mêlés
bleus blancs du haut lavés
chats glissant sur le sol

roulement lourd du train
cris du bas des maisons
fumées hélice en rond
carrés de vitres teints

puis les sons vont s’éteindre
les visions s’obscurcir
dans le noir pour mourir
je ne pourrai plus feindre

paysage giflant

je ne savais rien de ce paysage giflant
était-il beau ou laid
pourtant 
au premier coup d'œil 
je stoppais ma marche 
subjugué
les odeurs l'éclairage les froufrous
tout submergeait mes sens en éveil

ensorcelé par ce lieu 
j’y reviendrai souvent
mes promenades avaient un but 
désormais

bien plus tard 
j'apprendrai à le connaître
à reconnaître 
chaque détail
l'inclinaison des frondaisons
sensible aux saisons
les couleurs insolentes 
des lumières tamisées
les courbes fruitées 
des petites sentes
et plus je le connaitrai
plus je conforterai 
mon besoin de lui

mais il ne changera pas 
son impact sur moi
pas plus que je ne corrigerai 
mon regard sur lui
dès le début
il fit partie de moi

fulgurance de l’esthétique

allié

la neige n’est pas l'eden
elle est un autre paysage
elle n’habille pas elle transforme
le laid l’inutile l’inconnaissable

objets éléments souvenirs
tout se fond dans sa beauté
l’arbre devient totem la forêt montagne
la blême prairie un lac infini
qui vous invite à la mélancolie

ne cherchez pas de contours connus
vous avez changé de lieu de siècle
le temps est à l'envers la modernité enfouie
il ne reste que l’homme
face à la nouvelle nature
froide et chaude une et multiple
où tout est relié sans rupture

seule chaîne avec l’horizon de l'au-delà
esquisse d’éternité dans un grain de flocon
que le blanc a dessiné d’une seule envolée

la neige est un allié
pensez à sa force qui vit en secret
et quand vous serez seul ici-bas
cherchez-y l’harmonie du temps qui va
prenez la dans vos mains et soufflez

indices

de sa fenêtre de train il regarde fuir
sous les nuages immobiles
les couleurs d’automne et les lignes
prairies et collines mêlées
arbres violets et toits rouges
devant lui tout est courbe
en bas tout s’en va
en haut rien ne bouge

il voit les ombres rases du soir
s'étendre comme une pieuvre
la pique soudaine d’un clocher
recevoir des offrandes muettes
il voit les frondaisons agitées des bosquets
lieux secrets d'amours inavouées
il imagine toutes ces vies violées
par son regard TGV
flèche éclair et magique
qui transperce des plans de vie successifs

il voit tout voyeur insatiable
il ne voit rien
à défaut de certitudes il s’accroche aux traces
dans les champs les arabesques des tracteurs
dans le ciel le V des migrateurs
et le coton blanc des avions
et puis ici et là dans un hasard organisé
la fumée qui fuit des cheminées
le pylône crucifié des fils électriques
les rambardes comme des rails
les rangées de serres
les filets déployés des arbres fruitiers
l’horrible usine et la vieille ferme
les silos cathédrales
et partout ces barrières infinies
il ne voit que des taches et de l’eau
des morceaux de vie des bribes

pas le temps de voir les hommes
trop petits à cette vitesse
on ne voit que leurs indices
et les animaux qui s’accrochent à la terre

et il pense alors aux indices de sa vie

toujours quelque part

il y a toujours quelque part
un chien qui aboie
le cri affreux d'un corbeau
une vieille femme en noir  qui étend son linge d'un air las
des nuages en désordre qui vous surveillent
et une mouche pour vous agacer

il y a toujours quelque part
des pierres encore des pierres
sur lesquelles vous butez
et de l'herbe brûlée par le temps
un papillon qui vient vous dire bonjour
un vert lointain où poser le regard
et des horizons plus grands que votre âme

il y a toujours quelque part
une montagne hautaine
au vent libre et frais
une source guillerette
sautillant entre les rochers
le soleil qui joue avec les ombres

il y a toujours quelque part
une flèche d'église tellement plus haute que les toits
un village en équilibre sur son éperon

il y a toujours quelque part
un air d'éternité pour se moquer de vous
et au milieu de tout
il y a toi qui me souris

port launay

Là-haut le morne retient les nuages
Sur un rocher à l'entrée de la baie
Une croix dit peut-être
Qu'ici des hommes ont péri

Le ciel est aussi chargé
Que le silence est léger
Une houle du nord pas méchante
Vient mourir sur la plage

L'anse est profonde et calme vivante
Sur le rivage
La barque de pêcheur blanche et jaune
Se balance
Immuablement

Une tortue sort sa tête de l'eau
Comme un périscope
Elle regarde si tout va bien
Puis elle disparaît

Un banc de poissons argentés
Poursuivi par un invisible requin
Joue à saute-mouton sur les vagues

Des chauves-souris grosses comme des corbeaux
Piaillent dans les grottes granitiques
D'autres traversent la baie
Battant l'air d'un air abattu
Avec leurs drôles d'ailes à l'envers

De temps en temps
D'un bruit sec
Une noix tombe d'un cocotier

Sur la plage
L'ombre pieuvre des takamakas
Protège le sable

Là-haut le morne retient les nuages

Seychelles janvier 2005
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier