Affichage des articles dont le libellé est regret. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est regret. Afficher tous les articles

nostalgie

quand les voix aimées se seront tues
elles ne laisseront de leur bruit
que le souvenir aigu
des brèches de la vie

plus jamais les rêves de la nuit
ne s'ancreront aux habits de l’enfance
ni les jours enfuis
aux rives de l’absence

à quoi bon pleurer
ou tourner en rond
les bons moments passés
jamais ne reviendront

c’est ainsi que naît la nostalgie
un envahissement progressif
comme un voile de brume
ruisselant sur l'âme

on ne meurt pas de nostalgie
avec elle on vit tous les jours
elle te suit comme une ombre
fidèle jusqu’à la tombe

même si au souvenir
des regards rompus
des rencontres inabouties
le regret sournois s’insinue

elle te dira que tu n’as pas vécu
comme tu l’aurais voulu
mais vollà la vie se nourrir
de joie de manques et avancer

chaque émotion produit une graine
chaque sourire un bout d’oxygène
ainsi se construit le labyrinthe
d’un destin à nul autre pareil

à la fin tu devras bien pourtant
assembler les pièces du puzzle
pour faire semblant de croire
à un accord possible

et si certaines éparses
ne trouvent pas leur place
dans le récit peint
entre en vide et plein

tant pis
c’est ainsi que tu vis
l’humanité de la folie
entre désir et nostalgie

Voir la mise en scène illustrée par 20 œuvres d'art contemporain dans Galerie Amavero

présence de l'absence

n’ayant rien à dire de la mort
je te parlerai de la vie
ses occasions ratées
ses envers de décor
où l'on veut toujours
ce qu’on n’a pas

on dit que les choses sont 
par ce qu’elles ne sont pas
c’est faux
elles pèsent surtout
par ce qu’elles pourraient être
c’est l’imagination 
qui crée le réel
le rêve n’existerait pas 
sans la vie tordue à son gré
la réalité n’est qu’un préjugé
le désir la transforme

les humains suivent
cet étrange destin
de la dichotomie
si tu parles j’écoute
dis-tu ce que j’attends
je ne sais m’interroge
si tu te tais j’espère
dans une attente 
torturante
si tu es là je t’aime
si tu n’es pas là 
je t’aime encore plus
le poids de mon amour
est si lourd
qu’il te fait exister 
plus contrasté
que si tu étais là

un jour j’ai perdu ma voix
et elle m’a manqué
au sens propre
comme au sens figuré
quand je l’avais
à ma disposition
je l’usais bêtement
parlant aux autres fort
à travers et à tort
au lieu d’en profiter
pour dispenser à ma guise
dans un discours haletant
les pleins et les vides
les courbes et les reliefs
aujourd’hui je susurre
ne pouvant rien faire d’autre
regrettant sans fin
de n’avoir pas murmuré
du temps de ma vigueur

quant aux mots
n’en parlons pas
créés par la poussière et le vent
ils tourbillonnent
comme des feuilles mortes
emprisonnées par un siphon
avec eux tout est relatif
ils ne peuvent rien porter de vrai
tu auras beau parler
ils ne te diront pas
le fond de ton âme
que jamais tu ne connaîtras

enfin il reste les gestes

soumis aux mêmes faux-pas
de l’esquisse suspendue
que les choses et les gens
les gestes qu’on ne fait pas
sont les plus attendus
caresse diluée
main enfuie
baiser perdu
regard esquivé
tous nos rapports à l’autre
noyés dans le faux-semblant
des frôlements avortés
et c’est ainsi
que ta vie se passera
d’abord à imaginer
les gestes inachevés
puis à les oublier

et quand pour toi
sonnera le glas
de tous les sens
le regret sera là
immortelle prégnance
portant à lui seul
la présence de l’absence

Texte de Luc Fayard.
Voir dans Galerie Amavero une mise en scène illustrée par 20 œuvres d'art contemporain choisies pour leur pouvoir d'évocation sur les thèmes du poème.

il faudrait

il faudrait que le vent
poussant les montagnes
et les icebergs
bâtisse le couloir
d'un passage abrité

il faudrait que la main
saluant comme une feuille
emporte avec elle
la pensée vers le ciel
dans le grand tournoiement

il faudrait qu’un sourire
pose du bleu sur le gris
venant calmer à point
les ardeurs opiniâtres
des accents trop aigus

il faudrait étreindre les arbres
pour que leur frémissement
nous parcoure le corps
nos pieds prenant racine
dans l’histoire du monde

il faudrait brûler les regrets
dans un feu de joie
pour que chaque crépitement
signe un nouveau succès
sur la fatalité

il faudrait que nos prières
se joignent pour créer
l'invincible lumière
empêchant la nuit à jamais
d'actionner sa  crécelle

Texte: Luc Fayard
Voir des versions mises en scène dans Galerie Amavero, dans Poésie de l'Art et dans instagram.com/lucfayard.poete

paradis perdu

longtemps
je me suis enivré des effluves magiques
issues d'un pays irréel et magnifique
mêlant les lignes vertes les arbres tendus 
deux magnolias passagers un séquoia nu
les allées sableuses bordées de fleurs vivaces
les buis interminables et les herbes grasses
l'eau glauque de la mare où se perdait la pluie
le chant aigre et joyeux des oiseaux rouge et nuit

paradis d'illusion où vivaient durement
les jardiniers créant des beautés éphémères
inusables maillons de chaînes séculaires
chaque heure penchés sur la terre riche et âcre
auteurs de courtes morts et de petits miracles
répétant leurs gestes pour des temps incessants

dans ce lieu pourtant bien réel olympien calme
la lumière jetait une effraction bizarre
créée par les couleurs et les ombres mêlées
nappant d'une teinte étrange le paysage
elle peignait les bois de zébrure filtrée
impossible au peintre vivifiante pour l'âme

longtemps 
après cette vie rare
évoquées d'une mémoire nébuleuse 
les images défilèrent en se bousculant 
dressant un long inventaire improbable
de lieux de sentiments d'instants insondables

vitres brisées de la serre miroir de vie
ample saut du loup qui n'aura jamais sauté
dernière porte au vert sombre infini
barre noire de la forêt qui vous appelle
balançoire qui porta ses gamins bercés
potager rangé des gens heureux besogneux
marronniers alignés dans une courbe douce
cheveux au vent d'une jeune fille à cheval
jaunes champs accueillants les blondes d'aquitaine
immense if parapluie aux longs bras de sorcière
 
et que dire encore de tous ces caractères
l’insolite apparence des murs 
les reflets ronds des fenêtres 
les pentes aiguës des toits 
la fierté des cheminées 
les persiennes bleutées 
les allées nichées sous les frondaisons ventées
et partout ces verts et tous ces gris 

dans ce lieu béni
où se croisaient espoirs et tempêtes
tout finit en harmonie en vibration
accords soignés plaintes secrètes
à travers le temps et les générations

tout restera
assidûment incrusté 
écrit en ribambelle
dans l'air vieilli par l'histoire 
dans le vent de la plaine et des forêts 
dans la terre et la poussière 
dans le cœur des mères et des amants
dans l'ombre choyée des enfants
chantant en ritournelle

ici tout se nouait
entre âme et nature
la clarté et les sourires 
les ombres et les soupirs
la pluie et les larmes
le soleil et les drames
la nuit et la noirceur
les racines de la terre et du cœur
les multiples origines de la fusion
ayant enfanté ce monde à part suspendu
où même le soleil et la lune 
pouvaient nous murmurer des mots doux

alors au dernier souffle de mon dernier soupir
quand j'aurai vécu de nombreux destins
pouvant retenir de mes nombreuses vies
tant de sommets et quelques abimes
un seul instant me viendra à l'esprit
celui-là insensé terrible
où je tournai le dos au paradis
comme dans un flash-back au ralenti
le moindre détail me reviendra

la porte grinçante se refermant sur mon passé
la descente de l'escalier marches de tombeau
le bruit mécanique du dernier tour de clé 
le silence soudain voilant la scène de son halo
dehors dans la cour mes pas broyant le gravier
la feuille morte chassée du pied
la grille que je repoussai dans son cri 
ma main tremblant sur le portail gris
et mon dernier regard qui tout embrassa
comme si ma vie allait s'arrêter
pour écrire en lettres de sang
le mot fin sur un écran de cinéma

ce jour-la pourtant j'ignorais 
que vivant dans un riche présent
je porterai comme une offrande 
ces images et ces souvenirs
et que dans le cumul des années
submergé par le flux des nouveautés
je vivrai ma deuxième vie 
sans remords ni regrets

juste l'infini de la nostalgie

en bord d'éternité

quand je serai parti
de mon âme ma vie
je me vois volontiers
assis sur un nuage
causant aux trépassés
gisants de tous les âges
pendant que vous muets
souffrirez pleutres mous
juste en deçà de nous

mais nous serons cléments
avec vous les vivants
parce que nous aussi
gaspilleurs de futur
locuteurs de grands cris
et de petits murmures
nous fûmes égoïstes
amoureux destructeurs
ambitieux et menteurs    

oublieux de la vie
je me demande si
nous les fantômes blancs
les ectoplasmes blêmes
les affranchis du temps
nous garderons quand même
en vous examinant
en bord d’éternité
un ultime regret

le coeur est une porte qui bat

le cœur est une porte qui bat
claquant comme un fouet
tout y passe sans filtre
la tristesse et les tempêtes
la souffrance et les sourires
les peaux qu’on voudrait caresser
les visages qui fuient

parfois à côté d’elle
une fenêtre s’ouvre
sur des nuages contrariés
l’ombre pieuvre étend son manteau long
sur les cris et les questions

il faudrait parler parler
mais les mots aussi mentent
et pas seulement l’âme
il faudrait se taire 
se regarder en silence
sourire quoiqu’il arrive
il faudrait s’envoler
imaginer se voir de là-haut
pixel parmi les pixels
puis zoomer jusqu’à la peau
plus profond encore
entendre et voir à l’intérieur 
le cœur cognant à toute heure
pulsion incompressible 
moteur irrésistible
pour qui pourquoi tape-t-il si fort

peut-être pour nous faire saisir
deux lois fatales de la vie
il faut se nourrir de ses malheurs secrets
il est impossible de vivre sans regrets
alors guidé par ces parapets gris
bordeurs de chemins incertains
lorsque se fermeront les rives de la nuit
épuisés mais sereins
nous verrons dans la folle ronde
la porte restée entrouverte
une dernière fois offerte
au passage entre deux mondes

voile transparent

J’ai vécu ce moment incroyable
La dernière fois où sa poitrine s’est soulevée
Je n’aurai jamais imaginé cela
Et malgré tous nos débats nos conflits
Malgré surtout l’attente vaine et le non dit
Un voile gris s’est abattu sur ma vie
Les gens les objets les paysages ont perdu du relief
Vivre est devenu un film en sépia
Où les couleurs ont fondu
Comme dans un tableau de Turner
Comment supporter le poids de l’invisible
Marcher dans un monde sans liesse
Où le rire se fend
Où le soleil se rend
Vous rêvez au ralenti dans des rues inconnues
Sans savoir où aller
Parfois vous reconnaissez quelqu’un
Sans pouvoir lui parler
Que dire
La douleur givre et vous pétrifie
Longtemps la situation sera figée
Dans cette vie atrophiée
Puis la renaissance viendra par les sons
Chaque jour ils seront plus nets et les contours aussi
Vous marcherez plus vite dans des rues connues
Aux visages amis vous direz bonjour
Gaiement sans retenue
Le voile sera chaque jour plus transparent
Et enfin un beau matin le soleil est là
L’invisible n’est pas remplacé
Il s’est installé dans votre cœur
Et vous vivez avec lui en lui souriant
Avec lui se sont éteints
Les regrets les reproches les jugements
Il ne reste que l’amour
Il ne reste en vous
Que du beau du chaud
Du doux du lisse et du fluide
Le temps est une merveilleuse machine
A magnifier le passé
Et c’est tant mieux

temps pluriels

le temps qui passe
s’est envolé
il a volé
derrière la glace
nos lourds regrets

le temps qui pleure
souffre et remplit
de nostalgie
nos longues heures
d’analgésie

le temps peureux
veut effacer
le fil tressé
du temple heureux
de nos pensées

le temps agite
les troubles eaux
où nos bateaux
prennent la gîte
un peu trop tôt

le temps s’excuse
d’avoir si vite
tué nos mythes
et il s’amuse
de nos vieux rites

le temps se fige
le temps se givre
le temps est ivre
le temps corrige
le temps qui vire

le temps se lève
de la révolte
la virevolte
et toi belle ève
débranche les volts

ô temps suspends-
toi, non pends-toi
flagelle-toi
meurs sale temps
et oublie-moi
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier