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brume

je suis le voile du marin
enrobant le navire
pour lui dérober la vie
je suis l’humide gris
perlant de gouttes
sur le pont salé

porteuse de poisse
je suis la fatalité
faiseuse d’angoisse
à qui on finit
par s’habituer

quand je suis là
sans m’être annoncée
anxieux le marin
ne voit plus rien
silencieux aux aguets
l’oreille tendue
il écoute ausculte
car il le sait
je ne pardonne rien
ni l’invisible rocher
ni la boussole affolée

sur la cote floutée
le phare sans veilleur
peut se moquer de moi
mais que m’importe
où son regard porte
tenace obstinée
d’une infinie patience
je tisse ma toile
d’ombre et de destin
posément je déploie 
mon filet de mailles
à l’invisible ouate
enserrant ses proies

pour un temps incertain
au nom de l’indistinct
moi juge de la loi altière
j'abolirai la frontière
entre laideur et beauté
pour emmêler
sans remords
le jour et la terre
la nuit et la mer
la vie et la mort

Texte de Luc Fayard, inspiré par une photo de Bérangère Costa,

régate

l’eau clapote
sous les coques
la brise gémit
dans les voiles
les poulies grincent
sous l’effort
il faudra virer
la bouée là-bas
changer d’amure
partir au près serré
qu’importe la victoire
quand les chants de la mer

l'étoile

la goélette à hunier
réplique des paimpolaises
pêcheurs de morue
pointe fièrement
son long bout-dehors
poulies et cabestans
sont durs à souquer
pour manœuvrer
quatre voiles d’avant
mâtereau étambot
sont réparés
le bateau-école
peut repartir

des poulies et des hommes

des poulies et des hommes
ainsi vont les vieux gréements
coordination attention relais
seul le marin ne peut rien faire
il a besoin des autres
au bon moment
sur le pont en tek
se dresse fièrement
l’immense mat en spruce
sur ces bateaux à l’ancienne
tout est à la fois
costaud et fragile
une école de la vie
et de la beauté
hisse et haut

en mer

la mer est mon horizon
le ciel mon toit ma loi
la houle rythme mon cœur
le bateau trace ma route
son sillage est ma lumière
ses voiles mon espoir
son carré ma maison
alors apaisé par cet univers
de la longue attente
au creux des heures
de veille et de merveilles
je dis à la lune
à la croix du sud
aux dorades perdues
au cormoran fidèle
je dis au monde ébahi
que pour être parfait
il ne manque que toi

sursis

état d’âmes de dame ou d’homme
dans ton voilier sur la mer ancre flottante
tu n’es qu’un sursis une vie latente
un passager de l’ombre buveur de rhum

tant d’autres ont vu ce que tu vois
passé et avenir sillage et cap mêlés
tant d’autres ont souffert et aimé
les mêmes moments sensations émois

infime grain imberbe rond
dans l'infinie répétition
que cherches-tu étranger
te demande l’océan
avec tes rêves ton fil des ans
et ton âme dérangée

je cherche la beauté la vérité
la pureté 
l’éternité
que toi seul peux me donner

bah répond l’océan
tu pourras sillonner tous les flots 
braver tous les ouragans
ton cœur est tout ce qu’il te faut

devant toi familière

devant toi 
familière
la grande ourse 
immense
t’attire 
invinciblement
dans ton dos 
la voie lactée
tombe 
en léchant la mer
face à toi 
le lever de vénus
l’incroyable éclat 
de jupiter 
star du ciel
pressée 
une étoile filante 
vient te saluer
et quand tu regardes 
vers le haut du mât 
le feu de ton voilier 
ajoute une étoile au ciel
les lumières blanches 
du plancton et des méduses 
défilent 
sous le bateau 
dans un ruban sautillant
tu ne sais 
si tu les déranges 
ou les attires
et puis
ce bruit mouvant 
du sillage 
sur la coque
à la fois caresse force 
et destin
l’écran glauque du radar 
et ses taches vertes
pour te rappeler 
que tu n’es jamais seul
l’horizon percé 
de points lumineux 
à décoder 
la mer noire
qui te cerne 
te porte et te surveille 
et ton regard 
qui ne sait où se poser
vers l’eau 
ou vers le bateau 
vers l’extérieur 
où vers l’intérieur de toi

sur le voilier O., nuit du 27 au 28 juin 2022, entre Minorque et Palamos. Hommage à L-M.B. et C. B.

feux de mouillage

les feux de mouillage des bateaux tanguent dans le noir 
grasses lucioles ils disent à la terre 
dormez braves gens tout est calme ici-bas 
oubliez la haine et vos petitesses 
ils disent au ciel 
bonjour étoiles bonjour planètes et trous noirs 
on est plus gros que vous 
on éclaire mieux 
et nous au moins on est utile aux hommes 

mais les étoiles en ont vu d'autres 
elles se moquent de ces nimbes prétentieux 
elles ont pour elles la nuit des temps et le big bang 
elles ont pris du recul sur la vie 
et la faiblesse des sentiments 
en intercalant des années-lumières 
entre elles et les hommes 
elles ont construit patiemment cette voûte visible
et démesurée 
cette toile d'araignée en pointillés 
ce labyrinthe éreintant 

la nuit étoilée d'un soir d'été au mouillage me happe l'âme 
pour l'envoyer valdinguer 
comme une bille en verre dans le flipper céleste 
j'entends ce dialogue vibrant entre le ciel et la terre 
entre l'eau et l'éther 
je suis le lien vital signifiant 
pour qui se rejoue à chaque fois ce drame féérique 

qui sait 
un jour un soir 
la nuit du ciel et de la mer 
ronde des rondes 
voûte des voûtes 
se penchera sur moi 
mère ample et douce et de sa voix 
grave et philharmonique 
longuement tendrement pleine de sens 
en choisissant ses mots et ses silences 
enfin bienveillante et altruiste 
elle me dira peut-être pourquoi j'existe
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier