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fouiller la surface (1)

J’écris pour fouiller la surface indicible des choses et des gens, dans la sphère de l’invisible, au-delà des mots et des traces.

Mes mots ne sont pas des mots, ils sont le désir fou de rencontre entre âme et beauté, la volonté imparable de peindre l’hybride indiscernable de sentiments et d’émotions. 

Je ne sais pas crier, tout juste murmurer ma sincérité, mon désir. Immanents.

Je cherche à créer les rêveries d’un tableau abstrait, le foisonnement d’un paysage de recoins, la larme limpide d’un prélude en do majeur, les cieux aux nuages éclatés.

Je veux décrire les yeux transparents qui transpercent, la main douce poussant un soupir, la mort amère amer aimant, les rages de l’être à tous les âges, les folies de la vie torticolis.

J’écris pour me sauver de mes tourments, stopper leur cycle un moment : les voici suspendus en l’air par mes mots qui les empêchent de retomber ; d’un œil je les vois prêts à se ruer sur moi : alors je continue d’écrire en apnée, plongeant toujours plus loin dans un monde sans fin.

Quand j’écris, j’ai peur de mes mots microscopiques mais je continue, tant pis, porté par un espoir improbable, écharde de bois transocéanique, petit caillou à la fois dense et léger chassé par le vent, cerf-volant détaché de son fil qui tournoie en montant vers les nuages.

Mes mots forment une myriade de filandres fécondes, plus fortes que la matrice des heures, une kyrielle de notes frappant les cœurs des bouts du monde où je ne suis jamais allé.

J’écris pour lancer des passerelles entre les êtres, lignes de vie d’un bateau cherchant son cap. Je ne veux pas d’échelles ni de solutions, je veux des rêves et de la vibration.

Voile s’évanouissant à l’horizon, mon texte va m’abandonner; ayant gravé en moi un sillage profond, hors de ma vue, il vivra à jamais.

J’écrirai encore et encore jusqu’à ma mort et, ce jour-là, mes mots d’amour et d’or, je les serrerai contre moi, je les emporterai avec moi. Qui sait à qui ils pourront profiter…

Les nuages sauront-ils les aimer ?

(1er prix du concours Amavica - Mille poètes en Méditerranée - catégorie Prose poétique)

bruit familier

L’autre jour, perdu dans des tristesses existentialistes abyssales, même pas bourré, je me posais cette question fondamentale : qu’est-ce qui prouve, vraiment, qu’on existe ? Laissez tomber les banalités, s’il vous plait, l’amour qui nait, le regard d’un enfant, la tige qui bourgeonne au printemps, non merci, je vous parle sérieusement, on n’est pas dans un roman de gare ici. Même les trucs genre c’est pas le chemin qui est difficile, c’est difficile qui est le chemin, laissez tomber aussi, ça m’énerve, c’est rien qu’une explication des riches pour que les opprimés se contentent de trimer sans rechigner.
Donc, je sentais déjà poindre l’horrible et définitive réponse du grand vide, du néant tout noir, quand, soudain, mon oreille fut attirée par un bruit. Et, avant même de reconnaître la source de ce dérangement, j’avais la réponse à ma question. Car ce bourdonnement à la fois habituel, régulier et heurté avait quelque chose de rassurant, calfeutré, cocoonant.
Il était beaucoup plus qu’un ronronnement, il gonflait en un symbole rempli de sens et de mémoire. Il ressemblait, en plus doux, en plus familier, au taca-tacata-tacata du train qui roule et vous emporte.
Il vous parle au cœur et au corps, il vous enveloppe sans vous déranger. C’est un bruit à éclipses, parfois il s’interrompt et alors, angoissé, on se demande s’il va reprendre. Il bat selon plusieurs rythmes comme une symphonie, passant du roulement des cuivres au chuintement des violons. On sait bien que ce barouf domestique, horodaté, aura une fin et quand il s’arrête, dans un crescendo presque angoissant, on pousse un soupir, c’est terminé mais pour un moment seulement, une tâche a été accomplie, un épisode du feuilleton, une étape a été franchie dans la vie mais une autre viendra, on le sait, qui prendra le relais et alors tout continuera, rien ne s’arrête vraiment, tout se suit, tout s'essuie.
C’est un bruit à épisodes. Il y a des jours avec et des jours sans et ces jours-là on sent comme un vide dans son âme
Grâce à ce ramdam feutré, notre vie avance, des pleurs sont lavés, on se refait une virginité, on peut provisoirement tirer un trait sur le passé et croire qu’on a encore de l’avenir puisqu’avec ce bruit on nous prépare quelque chose pour l’affronter.
C’est un boucan léger qui remonte à l’enfance, bien sûr, il me fait penser à ma mère, il signifiait que pour une fois elle s’occupait de moi, alors que pour le reste elle me confiait à des bonnes espagnoles qui passaient leur temps à m’obliger à manger de la soupe à la tomate, la soupe rouge, la soupe de sang, que je détestais. Les autres bruits de l’enfance, c’était des cris qui cassaient les oreilles et le cœur.  L’aspirateur, par exemple, quelle horreur ! Je le voyais comme un ogre prêt à dévorer mes jouets, un espion fouillant dans tous mes recoins. La chasse à la saleté n’était qu’un prétexte à violer mon intimité.
Ce bruit-là seul dont je parle est à la fois présent et rassurant, il génère des odeurs de douceur et de tendresse, il crée de la chaleur et des caresses, il vous fait une place dans la vie, non seulement on existe mais, quelque part, quelqu’un se préoccupe de vous et c’est çà la vraie réponse à ma question.
Vous avez deviné, n’est-ce pas ? C’est le bruit du lave-linge.

de l’audace

- Un matin, dans l’ascenseur, appuyer sur un autre bouton que celui de son bureau.
- Votre patron : « Puis-je vous parler ? » - Vous : « Non ».
- Porter des chaussettes rouges une fois de temps en temps, sans que personne ne le sache.
- Dans la rue, croiser quelqu’un au hasard et lui sourire franchement.
- Apprendre le solfège et le chinois en même temps.
- « Pendant que des mortels, la multitude vile » : Baudelaire n’a pas toujours raison.
- Regarder son enfant droit dans les yeux, lui poser doucement la main sur le bras et lui dire : « Je t’aime ».
- A la piscine, sauter pour la première fois de sa vie du plongeoir de 10 mètres (on a le droit de fermer les yeux).
- Lire « Les Confessions » de Saint-Augustin en pensant à sa propre mort, qui viendra, forcément, un jour, c’est tout à fait sûr … Mais quand ?
- Arrêter définitivement son blog, sans prévenir.
- Pendant une heure, ne dire que ce qu’on pense, vraiment, sans faire de tort à personne (mais que pense-t-on vraiment ?).
- Alterner avec : se taire le plus longtemps possible, alors qu’on a furieusement envie de parler.
- Supprimer un rendez-vous important, sortir, marcher (*)
- Un soir, pour une fois, écouter ses amis avec un cœur pur (très dur mais possible).
- Lire un poème nouveau par jour, il n’y a quand même pas que Baudelaire, merde.
- Dans la rue, chanter doucement, longtemps, en balançant les bras.
- Le téléphone sonne : tant pis.
- Laisser un autre faire ce qu’on a très envie de faire, alors qu’on pense qu’on le fera mieux que lui et plus vite (c’est valable pour ses enfants).
- Pleurer quand il le faut, il le faut.
- Écrire avec un stylo, de temps en temps.
- La mer est-elle toujours là ? Allez vérifier (*).
- Penser l’infini, régulièrement.

(*)il n’y a pas de rendez-vous important).
(**) la réponse est oui mais allez-y quand même, on ne sait jamais.

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier