Affichage des articles dont le libellé est vivre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est vivre. Afficher tous les articles

Le Vénérable des chênes

Le vénérable des chênes, la plainte du vent dans la chevelure des cyprès, la pluie qui incante sur le toit vieilli d’une grange : tout, je veux tout garder de cet automne que je vis à cloche-pied et en bottes en caoutchouc et qui me mène gaiement à mes cinquante ans, ce printemps de la sagesse au goût d’enfance et de madeleine de Proust.
Dans ce terrain de vie sublime et cruel qu’est le monde, je déclare avec force qu’il nous faut faire feu de toute joie.
Oui ! Vivre jusqu’à l’ivresse, tirer le vin du plaisir jusqu’à plus soif, refuser la pesanteur du présent qui fige et sclérose dans un désenchantement mortifère et aimer chaque jour ses inspirations miraculeuses et ses expirations délivrantes.
L’âme saura-t-elle retrouver l’émerveillement des premières fois ?
Aimer est simple.
Il suffit de jeter sa tendresse infinie vers chaque acteur du vivant, de l’arbre à l’oiseau et de l’oiseau à l’homme.
L’homme dans toute sa pluralité.
C’est d’abord rencontrer le singulier et la magie en soi.
C’est tomber en amour pour l’âme que l’on abrite.
S’aimer !
L’aventure de toute une vie que de se défaire des attentes d’autrui, de cesser d’espérer ce qui n’attend que d’être conquis, de guérir de ce qui parait inconsolable.
A force d’abandon, la femme que je suis a retrouvé la fillette espiègle qui, du haut de ses huit ans, maîtrisait la nuit et les dragons de la rivière de sa grand-mère, l’enfant rêveuse qui cherchait le monde derrière le miroir énigmatique des flaques et sautait à pieds joints dans l’inconnu.
C’est tout un apprentissage, adulte, de redevenir un enfant.
Relisons donc le Petit Prince, du grand émerveillé devant l’Éternel qu’était Antoine de Saint-Exupéry.
L’enfance est le vivier inépuisable des possibles, presque une résistance dans un temps qui l’écourte et l’ébrèche comme pour nous empêcher de profiter de ses trésors.
Alors, soyons vieux mais soyons fous.
Dansons comme des funambules sans penser à la chute.
Que le jour qui point vous soit fête.
Je pars jeter mes souliers dans les flaques.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Virginie Roques
Œuvre : Childhood - The Then Largest , de Hilma af Klint

tu ne crois plus

quand la nuit se disloque
vieille breloque
tu ne crois plus aux mots
masques menteurs
tu ne crois plus à la réalité
cinéma d’auteur
tu ne crois plus à l’autre
rétif miroir de toi
tu ne crois plus aux dieux
prégnants contes de fées
tu ne crois plus à l’amour
dénudé par les ans
tu ne crois plus à la vie
vidée de ses sens
et surtout surtout
tu ne crois plus en toi
et puis voila
le jour se lève
tu es toujours vivant

rage

rage 
fureur 
mal de vivre 
vieillir 
se taire
ruminer 
si peu d’envies
rien à croire
et puis 

revivre 
tout à coup
ciel auroral bariolé
phrase ciselée
regard bleu du désert

se dire 
qu’on n’est pas encore mort
renaître
au coin d’un bord de mer salée
descendue si loin
déshabillant grèves et rochers
sous un ciel à étages
d’une infinité de gris 

crise narcissique totale
tous ces gens 
ces lieux 
ces objets 
ces idées
sans intérêt 
ni passion 
ni avenir
prégnance de la banalité
parole libérée
parole parasite
parole inutile

je voudrais du silence
longtemps 
longtemps 
se taire 
ne pas se plaindre surtout
faire semblant de sourire
que personne ne sache
que la peine se cache

et puis 
continuer de rêver
se perdre dans les sens et l’indicible
chercher partout la beauté
trouver ce qui surnage
un tout petit bleu 
dans la vie grise
se dire 
que ce n’est pas encore fini

d'abord le vent

ici 
on vit 
on sent 
différemment

d’abord le vent incessant
pénètre les pores
cure de désintox
massage brutal et caressant

puis le soleil impérial
se heurte aux nuages 
les couleurs claires de la mer
mordent les palmiers
au pied des mornes rouges

l’accent met en relief le sourire
de gens calmes et lents
le pélican brusque plongeur 
repart lourd et décidé 
l’iguane d’un autre temps 
s’arque sur la pierre grise

les taches de fleurs nonchalantes
se penchent vers vous
comme pour vous dire
respirez calmement
revivez 
oubliez le temps
laissez parler les sens 
renaissance

amour et mer

la mer est musclée
le vent impétueux
le voilier ne lutte pas
il se faufile entre deux ondes
il ne peut vivre ni jouir sans elles
il peut mourir à cause d'elles

pour garder le cap final
il faut corriger la barre à tout moment
en anticipant les mouvements du bateau
régler la voilure au plus fin
un cran de trop et l'on ira moins vite
parfois tirer des bords
le chemin le plus direct n'est pas le plus rapide
et surtout il existe uniquement sur la carte
dans l'utopie
rarement dans la vie

regarder le ciel changeant
ses nuages insolites
tapoter le baromètre
en déduire l'avenir météo
qui seul décidera de la prochaine escale

réparer sans cesse ce qui s'abîme et se casse
remplacer à chaque fois
par plus fort et plus durable

la vie à bord est vigilance et bienveillance
on compte l'un sur l'autre
un marin seul est un homme mort
il faut souffrir en silence en espérant le jour qui vient
le soleil qui se lèvera seul
dominant la mer
et qui balaiera tous les doutes
et les brumes du passé
la mer et l'amour c'est pareil

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier