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Trois fois murmuré

Je serais ce violoniste
Qui joue à la fenêtre
Derrière les volets bleus
Ma musique monterait jusqu’aux nuages
Et la tristesse glisserait
Sur mon costume jusqu’à terre
Où elle dessinerait une tache de deuil.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La beauté sortirait à peine de l’eau
Je viendrais la sécher
Avec des éponges bleues.
Je jetterais à ses pieds des bouquets
Trop vite coupés.
Et je pleurerais de son parfum évanoui.
Elle ne bougerait pas,
Ni statue, ni femme,
La beauté lointaine sortie de l’eau.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La souffrance tombait de ses épaules arrondies
Sa robe de lin décelait les sanglots accumulés
Elle se taisait et retenait ses mains sur ses cuisses fermées.
Greta sortie de l’enfance bourgeoise
S’enferme dans le deuil du désir.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

Texte: Corinne Valleggia
inspiré d'Henri Matisse: Le Violoniste - Le Luxe - Portrait de Greta Prozor
mis en scène dans Galerie Amavero

pays rêvé

je voudrais
un ciel en labyrinthe
de petits boudins bleus
une rivière en ruban
d’un bleu presque vert
un pommier malingre
en pieuvre aux longs bras
une pomme parfaite
en disque auréolé
une ombre liquide
en trace d’encre
une herbe de poils jaunes
en tapis de mousse dense
une haie de plantes serrées
en long muret tenace
et le tout serait
mon pays idéal
rempli de traits
verts jaunes et bleus

Texte : Luc Fayard
inspiré de
Apple Tree, de David Hockney
mis en scène dans Galerie Amavero

la raison du poète

je crée mes souvenirs
comme un artiste repeint sa toile
l’avenir est un élixir
diluant le présent dans le passé

je ne suis que chimie
de pensées programmées
les mots mentent
ils existaient avant moi
quand tout était différent

mon cœur s’emballe sans raison
vers tous les cardinaux
j’ai perdu le goût de tout
je souris sans passion
ne contemplant rien d’autre
que l’intérieur de moi

et pourtant je respire j’existe
mais pour quoi
quel destin pour un grain de sable
volant au moindre frisson marin
les poussières ne se donnent pas  la main

croyant vivre la même aventure
les hommes s'agglutinent
pour flotter dans les courants tièdes

la réalité n’a pas de géométrie universelle
la vérité est un leurre de l’histoire
l’amour un rêve fatal à l’indépendance
aveugle j’avance en automate

monté sur quel ressort
ni justice ni compassion
ni revanche ni haine

peut-être simplement
l'impérieux  désir de beauté
drapeau blanc surnageant du naufrage
triangle vert coiffant la soucoupe des nuages
seul chemin vers une transcendance
qui se passerait de l’histoire et des signes

sans nul besoin de raison folle
un chemin sans étoiles
qui est tout
sauf une ligne droite

Diplôme d'Honneur - Prix de poésie Europoésie-Unicef 2023

Texte : Luc Fayard
voir la version illustrée par
Le Voyageur contemplant une mer de nuages, de Caspar David Friedrich

débridage miracle rocher

désir violent d'être
éclair et chemin
brisant les chaînes invisibles
respirant un air brut
insufflant l'énergie
dans mon corps mon âme
arides trop arides
gelant tous ces soupirs
et puis aussi

mille envies joyeuses
irradieraient mon esprit
raviveraient mon cœur
amers trop amers
clean je flânerais
le soir sous les nuages incertains
et peut-être deviendrais-je alors

romantique et souriant
obsédé guéri du paradoxe
cherchant la voie du zen
hanté par la compassion
et peut-être serais-je enfin
roc au gris éternel comme j'en rêvais

je voudrais écrire

je voudrais écrire
les plus belles pages du monde
que le monde lirait 
en pleurant un peu

mes pages seraient pleines
de tristesse et de beauté
le beau est toujours triste 
quand il est intouchable

au bout de la tristesse 
entre les lignes poindrait
une faible lueur d’espoir
ne pas mourir tout à fait

je parlerais de l’amour
trop fort débordant
en vagues sur les rochers
blanchis d’écume

des désirs non accomplis
du renoncement
rogneur d’âme qui tient
éloigné du but 

je dirai la mer
et son horizon
et les oiseaux verts
là-haut qui s’en vont

je dirai l’envie
d’être un autre
que cet empêtré
dans la lourdeur des choses

dans mes pages je volerais
fièrement librement
sur ma vie sans frontières
mon passé sans cadran

je parlerai des yeux
qui m’ont rendu fou
et du dernier regard
porteur du noir infini

je parlerai du temps perdu
qui fuit lentement
comme un goutte à goutte
du sang des gens

des mots qui se croisent
sans s’entendre têtus
comme deux rivières
refusant de confluer

du soleil aveuglant
qui fermerait les yeux
cédant à la chaleur
des formes emmêlées

je parlerai du corps qui s’abandonne
dans sa nudité offerte
sa peau un fruit rouge
à croquer délicatement

dans la foison de mes pages
on verrait plein de tableaux
à contempler longuement
comme une source de vie

les mots sont si faibles
menteurs réducteurs
la peinture est le parangon
de la création humaine

je voudrais que mes mots
se lisent comme un tableau
une musique symphonique
une  matrice de liens

je voudrais écrire l’océan
des plus belles pages du monde
pour que le monde y plonge
s’en nourrisse et renaisse

l'ombre est riche

l’ombre est riche en sous-entendus
du néant naitra l’aquarelle
créant enfin des parallèles
de joies et pleurs inattendus

le temps échappant aux saisons
jouira goulument d'un présent
créateur d'instants apaisants
ton bonheur sera sans blason

dans une impulsion circulaire 
des courbes infiniment rondes
ouvriront l’espace du monde
à ton cœur jadis en colère

la danse des plaisirs humains
jouera sa fière farandole
balancée comme une gondole
par l’ivresse des lendemains

ayant relu toutes les bibles
tes amours ne seront plus feintes
et dans les couleurs demi-teintes
tu verras enfin l’invisible

décor fendu

sur un bleu frissonnant de murmures
figurines ridées penchées vers l’avant 
cheminant côte à côte lentement 
les vieilles femmes longent les murs

les reptiles s’interrogent et s’évadent
de la pierre rose mal taillée
les frondaisons épaulées
se dressent contre l’histoire
les caresses anciennes restent vives
qui peut les oublier

les lignes de fuite se croisent 
comme des destins
griffant des ronds incertains
de lumière d’ombre et d’ardoise

le décor s’est fendu
il faut tendre la main
vers l’invisible le nu le silence
la vie est un tamis sans pépites
ni archanges 
rien que des grésillements

creuset mêlant
des visages qu’on n’oublie pas d‘hier
des palmiers de nostalgie plein le cœur
la cloche égrenant un air dur et fier
le décalage en harmonie couleurs

animal maladroit
on saute de pierre en pierre 
jusqu’à l’horizon
alors qu’on se voudrait poisson
fluide et optimiste 
plongeant dans les cercles infinis
de la mousse à l’abîme
on susurre de tout petits mots
fragiles mal choisis
alors qu’on désire l’embrassade
les cris la folie
l’accolade

sur la table jaune et lisse
la dame du flamenco prend la pose
là-bas le bois attend d’être coupé
là-haut le vieux nid se défait en bribes
le temps ne s’arrête pas il se démultiplie 
en d’interminables pauses
à chaque moment son sujet

dans la cour le vieux banc rouillé
parle avec le vieux banc de pierre
des moments de marbre et de fer 
chacun se souvient du passé

chaque tache conte une histoire 
pleine d’orage et de tendresse
on sent l’amour et la tristesse
flotter sous la surface noire

sous celle de mon cœur aussi

je veux tout

je veux tout
ensemble 
à la fois
l’amour et la joie
la musique et les mots
le nombre et le silence

je veux le présent et le passé les nuits et les jours
le futur je m’en fous il viendra toujours

je veux des rires fous des tableaux couverts de nuages
pour m’envoler dans leurs rêves bleus sans âge

je veux qu’on m’aime et qu’on me déteste
comme si j’étais le centre du monde
au moins un soir une fois je me déleste
je le promets je me tiendrais coi dans la lumière ronde

sur la scène sous les feux de la rampe dorée
tous les regards tournés vers mon cri
me salueraient les yeux mouillés
surtout les filles qui savent qui je suis
surtout celles qui m’ont regardé la tête penchée
avant de partir sans un seul regret

et puis je m’en irai dans le noir de l’oubli
sans me retourner à petits pas
le dos voûté dans ses plis
espérant les rappels qui ne viendront pas

j'irai enfouir mon cœur en berne
comme un ours qui hiberne

je veux me souvenir du passé qui me fuit
je n’ai pas toujours été ce que je suis

j’aimerai tant redevenir l'enfant naïf
souriant sur les photos noir et blanc
être à nouveau cet ange blond
au moins un jour une nuit
le cœur lavé d'un regard pur
quand la vie était encore un conte de fées
rempli d’elfes gentils de sourires larges
de soupes fumantes et de babils

mais c’était avant que tout ne soit sali
d’une manière incompréhensible
la nuit se tapissait là tout près
et blessa les gens que j’aimais
je ne saurai jamais pourquoi
je veux pouvoir pardonner 
sans oublier
mais c’est dur 
mon âme a rouillé
la porte de mon cœur s'est coincée

alors 
en attendant
je veux des petits enfants 
qui courent en riant dans la plaine
habillant l’espace et le temps 
de leurs pirouettes incertaines
je les verrai grandir comme si j’étais immortel
je veux tous mes amis flottant en ribambelle

je veux tout
la chaleur et le frisson
la tristesse et le pardon
je veux vivre chaque minute pleine de paix et de fureur
je veux tout oublier et me souvenir de tout 
du bonheur
jusqu’au bout

seul

je sais que je suis seul 
des hectares à la ronde 
au milieu des arbres des oiseaux 
j’entends le gai clapotis de l’eau 
et bruire le vent rond 
je sais que je suis seul 
sous les nuages blanc et gris 
qui changent à tout moment 
la couleur du ciel 
la lumière de la terre 
et parce que je suis seul 
le miracle s’accomplira 
l’univers s’enfouira en moi 
je résonnerai de toutes vibrations 
mon souffle sera le vent
mon cœur le chant des ramiers 
et de la plante des pieds au dernier cheveu du crâne 
mon corps sera l’arbre enraciné la tête dans le ciel 
et quand tout sera consommé 
je hurlerai 
loup solitaire du haut de son mirador 

hélas la fusion n’a pas eu lieu 
mon âme imparfaite n’a pu se joindre à l’harmonie 
je suis resté extérieur à la symphonie 
pantomime ajouté à la beauté des choses 

il y avait un spectacle 
et je n'ai rien vu 
il y avait une musique 
et je n'ai rien entendu 

la nature n'a pas voulu de moi

cri

je voudrais crier
aucun son ne sort
comme dans le tableau mille fois repeint
je voudrais pleurer mille larmes de mon corps
mais où sont-elles
la source est tarie

je voudrais qu'une femme me prenne dans ses bras 
longtemps 
sans rien dire 
en me chantant une berceuse africaine 

je voudrais qu'une brise fraiche 
frissonne le long de mon corps 
de la tête aux pieds 
et qu'à travers moi arc tendu 
elle tombe du ciel 
et retourne à la terre 

je voudrais sourires et bienveillance 
je ne parle même pas d'amour 
ni d'amitié 
juste un regard calme 
posé l'un sur l'autre 
se contempler dans son entier 
sans tout savoir 
sans ne rien craindre 

je voudrais être la source des élans 
faire sentir la chaleur que je peux donner 
prends ma main 
sens ma peau 
mon cœur 

je voudrais tout donner de moi 
tout partager 
prends moi 
ne me laisse pas 
sois nourrie de mon souffle 
je ne sais pas parler 
tu le vois bien 
pardonne moi 

j'espère le jour où tout sera clair 
évident 
le jour où j'arrêterai de crier

je voudrais savoir

Je voudrais savoir
pourquoi les chemises s’abiment toujours à la pointe du col en premier
Où sont mes clés et ma deuxième chaussette
Quelle est la distance moyenne entre deux gouttes de pluie
Pourquoi les lapins et les lièvres ne forniquent pas ensemble
Comme les cochons et les sangliers corses
Je voudrais savoir ce qu’il y a après la mort
Par quelles vibrations télépathiques cet inconnu m’est d’emblée antipathique
Pourquoi cette fille normale m’éblouit
Deux jambes deux bras une bouche un nez deux yeux
Peut-être cette façon de pencher lègèrement la tête
Je voudrais savoir d’où viennent ces mots que j’écris
Et ces pensées terribles ou tristes
Pourquoi en général on aime ses enfants
Et pas ses parents
Pourquoi mon téléphone est encore tombé par terre
Je voudrais savoir comment on se débrouille pour
Assembler des pavés monter un mur couder des tuyaux
Je voudrais savoir pourquoi je ne parle pas toutes les langues
Alors que d’autres oui
Pourquoi je ne joue pas du piano
Alors que d’autres oui
Si la taille de mon sexe est conforme aux standards
Au repos et en érection
Je voudrais savoir
Si je serai le dernier à mourir de ceux que j’aime
Je voudrais savoir qui a dessiné les panneaux de signalisation
Le parquet de Versailles
La maison que j’aime
Quels esprits les ont inspirés
- Qu’ils viennent me visiter ! –
Je voudrais savoir les tailles au micron près
De l’amour du bonheur de la tristesse de l’ennui du courage
Mais aussi de la poésie de l’imagination du sourire
Je voudrais savoir quel genre de fille j’étais dans une vie antérieure
Et quel animal je serai dans ma vie future
Une salamandre un frelon un lièvre
- Une fourmi sûrement pas faut pas rêver ! –
Je voudrais savoir dessiner les rêves et les sentiments
Et l’amour
Je voudrais savoir qui je suis

que notre vie soit belle

je voulais que notre vie soit belle
beauté des lieux des objets
beauté des personnes
beauté des sentiments des idées
beauté des projets des actions
littéralement remplie d'elle

après avoir épousé ma femme très belle
ensemble nous avons fait de très beaux enfants
qui ont eu plein d'idées des fortes et des belles
et qui possèdent un regard si beau si fier

nous avons choisi des lieux et des objets anciens
par conformisme par sécurité
la modernité n’a pas fait ses preuves de beauté
éphémère elle est risquée
c'est demain peut-être qu'elle sera belle

nous avons mené presque à terme quelques beaux projets
ensemble main dans la main cœur contre cœur
habités du même désir bâtir ciseler

les belles idées j’ai laissé tomber
je ne sais pas ce que c’est
certaines ont abouti à des catastrophes
et les sentiments
pas moyen de les contrôler
c’est génétique c’est tripal
tu ne commandes pas
tu pleures tu ris tu aimes t’es programmé
c’est beau ou c’est laid et puis voilà

j’ai toujours voulu que notre vie soit belle
fouiné reniflé cherché partout la beauté
comme si on pouvait la toucher
comme si elle existait
elle est venue comme un fantôme
dans une nappe de brume
puis elle est partie
ne me laissant que des regrets
elle a glissé d’entre mes mains
sans s’installer rebelle
pourtant demain
je voudrais que notre vie soit belle
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier