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inutiles mains

quatre milliards d’années
à construire la vie
quelques décennies 
pour la détruire
il est trop tard
les mains ont beau
surgir de l’eau
magnifiques
pour crier au secours
et tenter de soutenir 
les murs branlants
de notre aveuglement
il est trop tard
rentrez sous l’eau
membres de l’espoir inutile
cachez-vous
laissez crouler le monde 
devenu fou 
Venise aussi mourra
campagnes et villes
se noieront 
ne faisant plus dans l’eau
que de petits ronds
s’amenuisant
et nos enfants pleureront

Texte de Luc Fayard inspiré par la sculpture « Support » de Lorenzo Quinn, à Venise (2017)

enfance

j’aimerai tant retrouver
cet esprit d’enfance
pétillant d’impertinence
où l'on peut 
croire impassible
à tous les rôles
des infinis possibles
s’asseoir persuadé
que le monde guette
sa parole libre
d'insouciance
sentir le vent
ébouriffer sa vie
poser là
son évidence
sa vérité
crue et nue
laisser passer les rêves
dans ses yeux mi-fermés
sans se lasser
en oubliant le temps
l’enfance est sans horloge
sans apparat ni toge

et dans une moue sans rire
montrer qu’on existe
pour le meilleur de l'artiste
et jamais pour le pire

Texte de Luc Fayard inspiré par la sculpture Plume (bronze, 39x28x14cm) de Valérie Hadida. Voir mise en scène dans Galerie Amavero

simple fouet

froid comme la pierre
souple comme l’esprit
dense comme la vie
aligné comme une galaxie
remplir son être de souffle
des yeux partout
tout entendre
le moindre tressaillement
clignement
et quand c’est décidé
bloquer son poignet vers le bas
dans un crochet implacable
pousser des deux bras
en sens inverse
comme pour atteindre
le bout du cercle
le pousser encore plus loin
faire grandir la nature
de son être intime
sans rien montrer
sans un signe
par ce mouvement
du simple fouet
toute adversité disparait
il ne reste que du blanc
et le silence

Texte : Luc Fayard
inspiré de 
Simple fouet, sculpture de Ju Ming
(Place Victoria à Montréal)
à voir illustré dans Galerie Amavero

différence

mi pingouin mi allien
bébé joufflu venu d’ailleurs
émouvant attachant
rondouillard
on voudrait le câliner
lui dire en le berçant
n’aie pas peur
le monde se méfie
des autres différents
apporte lui
ce que tu es
formidablement vivant
chaque regard nouveau
devient un grain de plus
dans la mer de sable
une teinte ajoutée
à l’infinie palette
étonne nous
chante ta chanson
crée ton chemin
ils viendront avec toi

Finaliste du Diplôme d'honneur - Prix Europoésie-Unicef 2023

inspiré de
Personnage, 1970, de Joan Miró
voir une mise en scène dans la Galerie Amavero

cocon

grelottant dans le dortoir
elles s’étaient endormies
après frôlements
et cachotteries
serrées sous les couvertures
emmitouflées
elles s’étaient raconté
pouffant et frissonnant
des histoires gaies
de vampires et d’ogres
puis s’étaient tues
rêvant à leur maman
c’est dans ce cocon
recroquevillées
que le manteau du sommeil
les avait recouvertes
jusqu’à l’aube et sa lumière
s’il avait gelé dans la nuit nue
elles seraient statues

inspiré par Sculpture n°545, de Georges Saulterre (avec son aimable autorisation)

éloge de la lenteur

ce serait un pays où l’on vivrait
comme dans un film au ralenti
après des heures à se dessiner
jamais plus le sourire 
ne se fermerait sur le visage
dans l’air du matin 
les mains s’écarteraient
sur des cercles imaginaires
chassant les vents contraires
volutes longtemps évoqués
construisant le vide devenu le tout

la marche sans but prendrait la forme
d’un rituel initiatique de respiration
l’esprit ne serait qu’un calme absolu
répandant son énergie dans l'être
peut-être n’aurait-on plus besoin de parler
les rencontres préparées par la pensée
s’étant irriguées de cette chaleur diffuse

la mère caresserait son fils
d’un geste si langoureux
qu’il fermerait les yeux
rêvant au paradis de coton bleu
où les enfants rois décident de tout

les chats toujours plus paresseux
n’en finiraient plus de s’étirer
sur les couettes laineuses
même l’araignée au diapason
tisserait sa toile en un siècle
le long des murs de maisons

dans les jardins multicolores
les fleurs effarouchées
s’ouvriraient mollement
refusant de se dévoiler trop tôt

parfois il tomberait une faible pluie
si douce et venant de si haut
qu’elle parfumerait la peau
des senteurs colorées du ciel

sur la grève peuplée de souvenirs
la marée au rythme lunaire
laisserait aux amoureux
le temps de priser son spectacle

et le vent qui chasse tout en riant
clamerait dans les plaines du pays
sa fierté d'être tiède frissonnant
seul messager du bonheur infini

hommage à Milan Kundera et Carl Honoré
illustré par Femme Nue sur Tortue - La Paresse, de Florence Jacquesson (avec son aimable autorisation)

tablettes

elles pourraient être
tant de choses
ces tablettes
quatre commandements
de la vie
que chacun définirait
carrés de l’esprit
cartes à tirer au sort
pierres à tiroir secret
points cardinaux réinventés
livres statufiés
ou plus simplement
tout cela à la fois

taille directe

prendre la matière
telle qu’elle est
suivre son idée
rêve de tout artiste
musicien ou poète
peintre ou sculpteur
parler en ligne droite
à l’âme au cœur
une pensée éphémère
façonne une vie durable
espérant au fond d’elle
que l’esprit sera visible
derrière la forme

musique

la musique est en lui
peut-être même
comme certains artistes
la voit-il en couleurs
la musique est plus forte
que les mots
dit Alessandro Barrico
elle délimite
un monde à part
rythme et relief
où noble le silence
a gagné sa part
et qui parle à l’âme
en ligne droite
un monde ouvert
à qui veut
lui donner son cœur

grâce

la grâce et l’équilibre
et presqu’un sourire
quelles sont tes pensées
jeune femme sereine
assise elle rêve
d’amour et d’amitié
et se rappelle
la peau douce de sa mère
l’effluve d’un parfum
la caresse sur l’épaule
d’un ami qui s’en va
et qui reviendra
laissons-la rêver
sans la déranger

il parle

il parle
de sa voix inimitable
si douce si forte
il joue des sourcils
comme il sait si bien faire
il nous offre son visage
paisible et tourmenté
c’est un monument
si proche si familier
incroyablement prégnant
inspiré habité

voiles

des voiles dans tous les sens
aux géométries improbables
le vent fou nous fera 
perdre la tête
on le sait bien
puissance de l’allégorie
et de la métonymie
urgence de prendre ce voilier
partir avec lui loin
là-bas
gardant avec précaution
les voiles croisées
belle allure ce vent arrière
les marins le savent bien
mais difficile à tenir
comme la vie

cambrure

cambrure de toréador
hanches poussées vers l’avant
fières impudentes
comme pour te dire
regarde 
c’est moi qui donne la vie
je peux aimer tous ceux
qui partagent
empreints de compassion
car ils savent que je suis 
le désir 
et la beauté

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier