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mystère de la création

il y a longtemps
dans une haute tour 
accrochée au ciel
le monde fut créé
par une femme
délicate et pensive

attachée à son labeur
telle une tisserande à son métier
elle dessinait avec bonheur
d’étranges et beaux objets

chaque jour chaque nuit
la lune et le soleil l’aidaient
en posant de fins rayons
d’ombre et de lumière
sur sa planche à dessin

son violon amoureux
jouait pour elle 
des airs envoûtants
qui deviendraient plus tard
la première symphonie 
des chants du monde

les notes émurent les esquisses
alors la forme vivante fut
d’abord les oiseaux 
qui s’envolèrent à tire d’aile
puis vint tout le reste 
de la grande arborescence
des plantes et de l’eau
animaux et hommes
poussières de vie
s’égayant dans le vent

souriant de tant de beauté 
et d’harmonie
la mère de la création 
heureuse et solitaire
vécut longtemps
améliorant jour après jour
les fruits de son âme
entourée de robots fidèles
gardiens de son alchimie

quand elle mourut 
tâche accomplie
le monde sur sa lancée
continua de tracer 
sans elle
son cercle fini
infiniment répété

mais un jour advint
ce qui devait advenir
sans sa matrice 
ni son sourire
l’homme se crut 
le roi du monde
et ce fut le début 
de la fin du monde

Texte: Luc Fayard
inspiré de La Création des Oiseauxde Remedios Varo; voir la mise en scène en récitation musicale de poésique sur instagram @lucfayard.poete et dans Galerie Amavero

hellébores

violet et or
ils se dressent en l’air
les hellébores
mystérieux et fiers
roses de Noël
pourprées
sentant le soufre
et le noir destin
il faudra les cueillir
et beaucoup les aimer
pour que l’horizon
s’éclaircisse
et rosisse
enfin

madeleines

la maison fait penser
aux madeleines de Proust
exhalant un passé
teinté de mystère
et de failles de scénario
ici et là dans l’histoire
le feu des souvenirs
se mélange au miroir
du présent recomposé
qui sommes-nous
dans l’aller-retour constant
de la mémoire trouée

voilette

chapeau voilette et plaid
la jeune femme s’abrite
et se cache peut-être
on lui prêterait volontiers
une bouille ronde
elle s’insère en douceur
dans le décor
aux mêmes teintes
elle vient de quitter son amant
et s’en va discrètement
sans se retourner
ou bien peut-être
sort-elle de l’église

beaux yeux

ne cherchons pas à savoir
qui est Justine Dieulh
nul ne le sait
il faut l’imaginer
personne honnête
ou courtisane
t’as de beaux yeux tu sais
du mystère plein la bouche
et le menton fier
le foulard rouge te va bien
sur fond des plantes
du jardin
que seuls les spécialistes
reconnaîtront

recoins

la forêt vit la nuit
dans ses recoins
ses secrets 
ses pénombres
quand la lumière traverse
ce sanctuaire de mystères
une autre vie commence
cycle sans fin
mais chaque instant
vécu de l’intérieur
brille comme un diamant

mourir un peu

mourir un peu pour savoir
et revenir et le dire
la vie est belle 
partir ne me fait pas peur
j’en aurais même envie d'une certaine façon
je meurs de ne pas savoir ce qu'il y a derrière tout cela
au-delà de l'agitation de lumière et d'espoir
d'ombres et de souffrances

quand tout se taira n'y aura-t-il que le noir
je ne peux le croire
si ce néant est la réponse et que je le sache
à quoi bon vivre
si le noir nous attend en sortant du labyrinthe muré
pourquoi continuer à s'affairer
à quoi bon rester

au contraire si tel est mon désir
rien ne sera jamais plus beau que d'y être
autant y aller sans attendre
je n'ai aucune envie de mourir
mais j'aimerais tant savoir

le soleil se perd dans la mer de nuages
sans me donner la réponse

il me faudra mourir pour savoir
je ne veux pas que ce soit définitif
juste mourir un peu
pas longtemps
juste le temps de savoir

je suppose qu'on le sait tout de suite
fulgurance de l'évidence absolue
tout le monde parle de la lumière blanche 
au bout du tunnel
je veux aller voir derrière elle

et puis revenir bien sûr
parce que la vie est belle 
parait-il
la vie est la vie
elle ne se remplace pas

si c'est ce que je crois
je regretterai de ne pas y rester
ayant goûté expérimentalement au paradis
j'aurai peur de ne pouvoir y revenir
et je vivrai dans cette douloureuse attente
cette effroyable incertitude

le noir c'est plus simple
aucune envie d'y revenir
plus jamais envie de mourir basta

et le jour où je mourrai vraiment
définitivement
s'il me reste un peu de conscience
je me dirai bon c'est fini
j'ai bien vécu et voilà tout

bon je préfère ne pas savoir
mais j'aimerais tant

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier