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l’amour la mort

Un jour, elle apparut sur la terrasse d’en face, s’installa dans le fauteuil, prit son livre et ne le quitta plus des yeux jusqu’au soir. Plongé dans ses propres tourments, il n’avait pas détecté sa présence jusqu’alors. Au bout de quelques jours, il avait repéré la routine : elle se montrait dans l’après-midi, glissant comme un fantôme dans la chaleur épaisse, trouvait le même coin d’ombre et n’en bougeait plus, la tête légèrement penchée sur le côté, vers les pages. Il ne pouvait distinguer les traits de son visage à contrejour, auréolé par la lumière blanche du soleil. Il l’imaginait jeune et belle, triste, cherchant à se consoler dans ses lectures, ou bien à oublier. Son amant l’avait quittée, c’est sûr et la vie ne possédait plus de sens pour elle. Lui-même vivait un désespoir abyssal. Elle était toujours seule, personne ne venait la voir, à part une vieille servante qui s’occupait d’elle. Solitaire lui aussi et n’ayant finalement rien d’autre à faire, il la fixait des yeux chaque jour un peu plus mais jamais elle ne fit le moindre geste signifiant qu’elle avait remarqué son manège. Alors il l’aima encore plus fort. Un soir où, à son habitude, la servante vint la chercher à la tombée de la nuit, il décida de déclarer sa flamme dès le lendemain. Cette idée le tortura et l’asphyxia toute la nuit. Mais, le lendemain, elle n’apparut pas. Il comprit alors qu’elle était morte et se mit à respirer de plus en plus mal. Il mourut dans la journée. Par hasard, ils furent enterrés tous les deux cote à cote, au fond du cimetière, contre le vieux mur en pierre rongé par les plantes. En quelques mois, le lierre recouvrit les deux tombes d’un même manteau, pour les réunir à jamais.

voir une autre version réécrite en vers libre

c'est surtout quand elle penche la tête

c’est surtout quand elle penche la tête
sur le côté
légèrement
un décalage dans la position
qu’il devient fou

dans le mouvement
ses cheveux déjà longs
tombent un peu plus
et ses yeux sombres
se plissent
avec un point d’interrogation
niché tout au fond

il suffit
qu’elle ait ce millimètre de geste
pour que son cœur vibre fort
il n’entend ni ne voit rien d’autre qu’elle
auréolée de sa grâce lumineuse chantante.

mon ami
si tu n'as jamais connu ce moment
tu n'as rien vécu
et tu peux aller pleurer sur les quais
personne pour te consoler

on dirait une pouliche qui se déhanche pour s’endormir
et la brume viendrait se répandre autour d’elle
pour la protéger du regard des hérons

on dirait un pont qui s’élance
suspendu dans le vide
et la circulation s’arrêterait pour le regarder

un jour elle était restée comme cela
si longtemps
à le contempler
qu’il avait cru à un torticolis
elle se demandait simplement qui il était au fond

comme s’il le savait

il aurait du dire
le trop plein de son cœur
et sa tête qui cogne
au lieu de rester muet
benêt souriant

alors après cette éternité figée sans réponse
elle avait soupiré redressé la tête et disparu
ses pieds effleurant à peine le sol
fantôme au cœur tendre déçu
il n’avait entendu que ce soupir à l’affreuse douceur

aujourd’hui encore il résonne dans sa tête
comme un crissement sourd
tandis qu’il la cherche
désespéré
dans les rues du monde entier
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier