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azur et or

la vie dehors
chemins obscurs
azur et or
je n’en ai cure

d’abord se taire
sentir en moi
ce qui se terre
à tout émoi

et puis rêver
d’encore écrire
l’âme bravée
par le sourire

l’exaltation
du cœur dédié
aux vibrations
du monde entier

goûter la paix
le soir venu
dans le drapé
des sens à nu

et oublier
les anciens jours
pour tout rayer
hormis l’amour

Texte de Luc Fayard,.
Voir la mise en scène, illustrée par 14 œuvres d'artistes contemporains, dans Galerie Amavero

oublier le temps

tu sens le temps vibrer en toi 
comme un moteur chaud
à soubresauts incontrôlables
mi horloge mi comptable
et toujours à contre-temps

c’est comme si
au lieu de frémir
l’eau courait tel un zèbre
qui se tortille et se cabre
au lieu d’aimer
le cœur emballé froissait
les souvenirs pêle-mêle
dans un grand tintamarre
au lieu de s’élever dans le ciel
le nuage aplatissait sur l’horizon
ses formes alanguies

c’est comme si
au lieu de pousser la vie
le vent jouait avec les feuilles
pour les énerver
et ça monte et ça descend
et ça part en vrille
comme le fait ton âme 
avec tes sentiments
coincés dans la grille
de tes préjugés

le temps maître de l’univers
implose sans bruit
noircit comme un orage fou
fuit avec la pluie
se lisse paresseusement
comme un enduit mou

tu es pris au piège 
de l’avant-après
rien n’existe sans lui
même pas la poésie
ni la mémoire

tu voudrais l’arrêter 
profiter de l’instant magique
il te glisse entre les doigts
tu voudrais avancer
franchir une étape
il te bloque sans préambule
à un carrefour cornélien
où tu resteras interdit
prisonnier de ton petit corps
dans l’interminable indécis
qui va de la vie à la mort

n’écoute pas  les faux maîtres du temps
vendeurs de vent
gourous moins naïfs que toi
la solution existe 
secrète et fluide
fais silence 
entre au fond de toi
ne pense plus à rien 
respire

et quand tout sera 
calme limpide
dehors et dedans
tu auras oublié le temps

Texte de Luc Fayard illustré par Silence of the Ravine, d'Ethel Walker; voir Galerie Amavero; voir aussi sur instagram.com/lucfayard.poete
NDLR: Une femme nue pour illustrer la contrainte du temps et la nécessité de s'en libérer, pourquoi pas? Il y a dans ce tableau un calme intemporel, une attitude de contemplation, de libération, de pause dans le temps, de beauté pure et intemporelle.... qui vont bien je trouve avec le texte...

je veux tout oublier

je veux tout oublier
des anciens jours sepia
célestes ou grossiers
que rien ne recopia

rien ni le triste chant
de la lumière bleue
ni l'accord dissonant
du matin malchanceux

je veux tout oublier
la magie floue du monde
les cierques mésalliés
dansant sa folle ronde

oublier la cité
du concert fracassant
l'impétuosité
du cynique impatient

je veux tout oublier
les mots si malhabiles
sur les plaies repliées
des rendez-vous fragiles

la mémoire infiltrée
au détour du chemin
par de nouveaux portraits
regardant vers demain

je veux tout oublier
pour qu'enfin recommence
l'émotion relayée
par le spleen sans souffrance

et qu'enfinl’infini
des contrées inconnues
ranime dans son nid
mon âme mise à nu

Voir la version mise en musique sur instagram ; voir la mise en scène illustrée par une illustration de Simon et un tableau d'Henri Lebasque sur Galerie Amavero et Poésie de l'Art; voir la galerie
Femmes à la fenêtre de 60 chefs-d'oeuvre représentant une femme à la fenêtre, thème qui a servi pour illustrer ce poème.

paradis perdu

longtemps
je me suis enivré des effluves magiques
issues d'un pays irréel et magnifique
mêlant les lignes vertes les arbres tendus 
deux magnolias passagers un séquoia nu
les allées sableuses bordées de fleurs vivaces
les buis interminables et les herbes grasses
l'eau glauque de la mare où se perdait la pluie
le chant aigre et joyeux des oiseaux rouge et nuit

paradis d'illusion où vivaient durement
les jardiniers créant des beautés éphémères
inusables maillons de chaînes séculaires
chaque heure penchés sur la terre riche et âcre
auteurs de courtes morts et de petits miracles
répétant leurs gestes pour des temps incessants

dans ce lieu pourtant bien réel olympien calme
la lumière jetait une effraction bizarre
créée par les couleurs et les ombres mêlées
nappant d'une teinte étrange le paysage
elle peignait les bois de zébrure filtrée
impossible au peintre vivifiante pour l'âme

longtemps 
après cette vie rare
évoquées d'une mémoire nébuleuse 
les images défilèrent en se bousculant 
dressant un long inventaire improbable
de lieux de sentiments d'instants insondables

vitres brisées de la serre miroir de vie
ample saut du loup qui n'aura jamais sauté
dernière porte au vert sombre infini
barre noire de la forêt qui vous appelle
balançoire qui porta ses gamins bercés
potager rangé des gens heureux besogneux
marronniers alignés dans une courbe douce
cheveux au vent d'une jeune fille à cheval
jaunes champs accueillants les blondes d'aquitaine
immense if parapluie aux longs bras de sorcière
 
et que dire encore de tous ces caractères
l’insolite apparence des murs 
les reflets ronds des fenêtres 
les pentes aiguës des toits 
la fierté des cheminées 
les persiennes bleutées 
les allées nichées sous les frondaisons ventées
et partout ces verts et tous ces gris 

dans ce lieu béni
où se croisaient espoirs et tempêtes
tout finit en harmonie en vibration
accords soignés plaintes secrètes
à travers le temps et les générations

tout restera
assidûment incrusté 
écrit en ribambelle
dans l'air vieilli par l'histoire 
dans le vent de la plaine et des forêts 
dans la terre et la poussière 
dans le cœur des mères et des amants
dans l'ombre choyée des enfants
chantant en ritournelle

ici tout se nouait
entre âme et nature
la clarté et les sourires 
les ombres et les soupirs
la pluie et les larmes
le soleil et les drames
la nuit et la noirceur
les racines de la terre et du cœur
les multiples origines de la fusion
ayant enfanté ce monde à part suspendu
où même le soleil et la lune 
pouvaient nous murmurer des mots doux

alors au dernier souffle de mon dernier soupir
quand j'aurai vécu de nombreux destins
pouvant retenir de mes nombreuses vies
tant de sommets et quelques abimes
un seul instant me viendra à l'esprit
celui-là insensé terrible
où je tournai le dos au paradis
comme dans un flash-back au ralenti
le moindre détail me reviendra

la porte grinçante se refermant sur mon passé
la descente de l'escalier marches de tombeau
le bruit mécanique du dernier tour de clé 
le silence soudain voilant la scène de son halo
dehors dans la cour mes pas broyant le gravier
la feuille morte chassée du pied
la grille que je repoussai dans son cri 
ma main tremblant sur le portail gris
et mon dernier regard qui tout embrassa
comme si ma vie allait s'arrêter
pour écrire en lettres de sang
le mot fin sur un écran de cinéma

ce jour-la pourtant j'ignorais 
que vivant dans un riche présent
je porterai comme une offrande 
ces images et ces souvenirs
et que dans le cumul des années
submergé par le flux des nouveautés
je vivrai ma deuxième vie 
sans remords ni regrets

juste l'infini de la nostalgie

oubliez-moi

grandiose
sublime
définitif
j’accepte de mourir
bien obligé hein
mais attention 
sans souffrir
ni finir gâteux
eh pourquoi pas
quand on désire très fort 
quelque chose
et que ça se produit
qui peut prouver 
d’où viennent
ce hasard télépathique 
ce miracle biologique
cet esprit œcuménique
qui sait

dans ces conditions calmes
mourir sans état d’âme 
ne serait rien d’autre
qu’un passage obligé
imperceptible changement d’état
une fois je respire
une fois je ne respire plus
à peine si l’on voit la différence
quelqu’un dirait tiens il est mort le vieux
comme s’il disait tiens il pleut
personne ne pourra discerner
ce grain de sable envolé
dans la tempête cosmique

seul souci
je ne veux pas faire de peine
à ceux que j’aime et qui m’aiment
à ceux-là je dis
oubliez-moi
vous allez voir
c’est plus facile qu’on croit
et rapide
oubliez-moi
un peu plus chaque jour
où que je sois
l’oubli tranquille et progressif
seule solution à la vie après la mort
oubliez même
que je vous aime
si mal d’ailleurs
que ça n’en vaut pas la peine
oubliez mon visage et ma voix
fragiles fusibles de l’être
oubliez mon âme aussi
incongrue sans relief
si peu inoubliable
mots volatiles
émois dociles

quand je serai mort
mon être sera
sans importance pour vous
soit il vivra sans vous
soit il n’existera plus
mais vous n’en saurez rien
oubliez les moments vécus ensemble
créations de l’atomique hasard
oubliez-moi 
de haut en bas
de dos de profil de face
oubliez-moi
sans effort
avec le temps qui efface
les minuscules traces
et quand vous m’aurez oublié
vous verrez
vous vivrez mieux
sans vous poser la question
de savoir si j’existe encore
quelque part

quand je serai mort
j’aimerai vous dire où je suis
je vous dirai
que je vous aime encore
que c’est vous 
qui m’avez fait exister
vos pas
votre souffle  
vos bonheurs
et même vos souffrances
qui devenaient les miennes
je n’aimerai pas mourir
sans avoir dit aux gens que j’aime
que je les aime
j’aimerai vous dire 
là-bas
dans cet ailleurs inconnaissable
que je pense à vous

mais du néant c’est difficile
et sinon
si jamais je pouvais vous parler
je serais sans doute surveillé
par un vieillard grincheux
comptable pointilleux
de mes grands et petits péchés 
quel ennui mon dieu

mes amis
un dernier mot
celui-là ne l’oubliez pas
même si vous devez oublier 
qu’il vient de moi
une expression tellement banale
qu’elle passera inaperçu
après tout ce temps perdu
je me sens moins nu
je sais enfin comment il faut vivre
moi-même je n’y arrive toujours pas 
autruche 
baudruche
mais je le sais
je le scande
il faut 
goû-ter l’ins-tant pré-sent
à tout moment
comme s’il était unique
sans après et sans avant
goûter d’un geste laconique
l’ici et le maintenant
du karma bouddhique
par essence par définition
le monde n’a pas de sens préexistant
c’est vous qui le lui donnez
respirez 
simplement
tissez vous-même
votre lien aux autres
devenez votre univers
en couleurs 
rose et vert
souriez 
c’est plus difficile
mais ça détend
faites le plein 
de l’instantané
je regrette tellement 
de ne pas l’avoir fait
pour moi c’est trop tard
un vieux ça ne pleure pas
ça geint
ça se souvient 
quand ça peut

je crois que je mourrai sans regret
mais pas sans peur
j’ai peur de la peur de mourir
je me vois essayant de me raisonner
si j’ai encore ma tête
voyons c’est simple
soit il n’y a rien et alors basta
paix aux morts et vive les vivants
soit il y a quelque chose
et ce quelque chose
prend tellement de formes inimaginables
foldingues 
énigmatiques
qu’il ne sert à rien de s’énerver

parmi les scénarios alternatifs
je me regarde et je me dis
peut-être pas tout de suite le paradis
mais l’enfer quand même non
ce n’est pas pour moi
j’opte pour la probabilité 
du purgatoire
en mesure conservatoire
mais combien de temps
on s’en fout
le temps n’existe plus
de quoi te plains-tu
homme veule et nu 

oublier l'amour

l'amour fuit sur les lacs
l'automne est dense et gris
le vent soupire et rit
de ta vie tout en vrac

tu marches vers le trou
sans laisser de trace
ton âme lourde embrasse
la mort de l'orgueil fou

les femmes que tu aimes
ont perdu leur regard
elles vont au hasard
perdues dans leur bohème

l'amour s'en est allé
rêver sous d'autres cieux
sourire à d'autres dieux
participe passé

voici que tu regrettes
les filles alanguies
qui te rendaient groggy
sur de molles banquettes

mais le temps reste sourd
bonhomme il te faut vivre
encore libre et rire
et oublier l'amour
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier