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il faudrait

il faudrait que le vent
poussant les montagnes
et les icebergs
bâtisse le couloir
d'un passage abrité

il faudrait que la main
saluant comme une feuille
emporte avec elle
la pensée vers le ciel
dans le grand tournoiement

il faudrait qu’un sourire
pose du bleu sur le gris
venant calmer à point
les ardeurs opiniâtres
des accents trop aigus

il faudrait étreindre les arbres
pour que leur frémissement
nous parcoure le corps
nos pieds prenant racine
dans l’histoire du monde

il faudrait brûler les regrets
dans un feu de joie
pour que chaque crépitement
signe un nouveau succès
sur la fatalité

il faudrait que nos prières
se joignent pour créer
l'invincible lumière
empêchant la nuit à jamais
d'actionner sa  crécelle

Texte: Luc Fayard
Voir des versions mises en scène dans Galerie Amavero, dans Poésie de l'Art et dans instagram.com/lucfayard.poete

pays rêvé

je voudrais
un ciel en labyrinthe
de petits boudins bleus
une rivière en ruban
d’un bleu presque vert
un pommier malingre
en pieuvre aux longs bras
une pomme parfaite
en disque auréolé
une ombre liquide
en trace d’encre
une herbe de poils jaunes
en tapis de mousse dense
une haie de plantes serrées
en long muret tenace
et le tout serait
mon pays idéal
rempli de traits
verts jaunes et bleus

Texte : Luc Fayard
inspiré de
Apple Tree, de David Hockney
mis en scène dans Galerie Amavero

ombres de plage

large bande de frontière
entre terre et eau
matière changeante
élastique et malléable

territoire des errances
agité par le vent
troublé par la brume
filtrant les silhouettes

lieu d'existence plurielles
à l’écume frisée
et de soubresauts
du sable créateur

qu’importe la pluie
il y a toujours 
une épuisette à serpenter
dans les mares glauques

et des corps occupés
dès le petit matin
à soulever les galets
cachant les trésors

infatigable plage
aux recoins secrets
aux lignes floues
comme la vie

Texte : Luc Fayard
inspiré par
Scène de plage, de Marie Delourme

différence

mi pingouin mi allien
bébé joufflu venu d’ailleurs
émouvant attachant
rondouillard
on voudrait le câliner
lui dire en le berçant
n’aie pas peur
le monde se méfie
des autres différents
apporte lui
ce que tu es
formidablement vivant
chaque regard nouveau
devient un grain de plus
dans la mer de sable
une teinte ajoutée
à l’infinie palette
étonne nous
chante ta chanson
crée ton chemin
ils viendront avec toi

Finaliste du Diplôme d'honneur - Prix Europoésie-Unicef 2023

inspiré de
Personnage, 1970, de Joan Miró
voir une mise en scène dans la Galerie Amavero

origine des mots

rien ne peut troubler 
l’origine de mes mots
ni le tam-tam des hommes
ni le fracas des vagues

ils viennent d’un lieu
protégé de la furie
indifférent à l’heure
insensible à la pluie

ce lieu mon âme 
secrète et orgueilleuse
chercheuse de beauté
dans l’existence

mes mots éclosent seuls
exfiltrés de la folie
avançant chaotiques
vers la ligne d’horizon

rien ne peut égaler
leur vérité ciselée
ni le chœur des sanglots
ni les tollés de joie

atterris en grappe
d’une autre galaxie
mes mots flânent
libres et fiers

sans suivre de chemin
créés par évidence
ils sont délivrance
ils sont le chemin

traceur de cercles
dans la ronde infinie
le porteur de mots
n’est pas un prophète

juste une graine de plus
dans la semence du monde
quelques gouttes pures
pour étancher sa soif

à l'instant de les recueillir
celui qui les boira
découvrira désaltéré
que sa nuit s’est embellie

le jour n’aura plus
la même lumière
et dans son cœur vibrant
la vie sera plus légère

Texte : Luc Fayard
voir la version illustrée par
Un monde imaginaire, de Isaac Grünewald

sans frontière

nulle ligne assurée 
entre terre et eau
entre bas et haut
dans le palude
pourtant
à chacun sa substance
sa texture sa couleur 
qui se relaient 
dans le passage invisible 
du fluide au solide
dans la prégnance humide 
d’un paysage à part
ici vibrent les sens 
en large palette
du musqué au salé
du sec au mouillé
du silence au bruissement
du gris noir au gris blanc
le nez devant le pied 
l’odeur nous guide
on la hume 
perdu dans la nasse
d'un monde sans barrières
seule la pluie pourrait
réunir les matières
dans la même brume
soyeuse et mystérieuse
ainsi va la vie 
brouillard tenace
sans frontière 
entre jour et nuit

Texte : Luc Fayard, inspiré de
Palude, de Marie Deloume

éloge de l'ombre

bien sûr il a fallu 
que naisse la lumière
pour ensuite l’oublier 
définitivement
ne garder que les demi-teintes
et surtout les jeux les renvois
les bégaiements 
avancer sur le côté 
balbutiant

laisser l’âme s’émouvoir de l’obscur
le cœur frissonner du soupçon d’un remous
le sourire s’embellir de l’énigmatique

contempler les aspérités 
pour ne pas s’en blesser
suivre les perspectives en flèches
vers les frondaisons dansantes

ne rien croire d’abord
tout imaginer

écouter le vent quand il trouble la pluie
profiter de la fraîcheur entre jour et nuit
quand la vie prend le goût 
d’un petit grain de sel 
glissant sur une peau  tannée

de l’amour 
ne retenir que ses frôlements
débuts bruissements
les senteurs de jeunesse
 silences rapprochés
la brutale attente de la rencontre
instants figés

dans la nature et dans l’homme
étudier sans cesse le plus fort contraste
la ligne de fuite évasive et décidée
qui dessinera l’arrière-plan

dans les replis brumeux
déformer la silhouette du temps 
suivre les fantômes blancs
dans les traces des passants

et quand tu graveras
ton propre sillon
sentir comme l'iode
la liberté t’envahir
à pas de géant

Hommage à Junichiro Tanizaki

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

illustré par 
Nocturne in Black and Gold - the Falling Rocket, de James Abbott McNeill Whistler ou bien par Mystère et mélancolie d'une rue, de Giorgio di Chirico

ronde des si

si le cercle est brisé
vais-je retourner sur mes pas
ou bien bâtir une passerelle

si les bouts scindés se relient
atteindrai-je mon départ
ou bien les traces d’un nouvel envol

si je franchis les traits de couleurs
verrai-je le ciel s'éclaircir
ou bien la terre sombrer

si la foule se presse en chemin
se tiendra-t-on vraiment la main
ou bien marcherai-je isolé

si trois notes franchissent la mer
entendrai-je une symphonie
ou bien le solo du désespoir

si je respire longtemps
sentirai-je une forme d’énergie
ou bien l’impermanence

dans l’infini du vide
le cercle ne dit rien me dit tout
je ne suis rien je suis tout

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

Texte : Luc Fayard
inspiré par Cercle - Ascèse VIII, 2007 - Série: "Silencieuse Coïncidence, de Fabienne Verdier, à qui j'ai demandé une autorisation de reproduction; alors en attendant, je l'illustre avec "Disques de Newton", de Frantisek Kupka (que j'aime beaucoup aussi !)
Voir et entendre récitation musicale de poésique dans Galerie Amavero

la raison du poète

je crée mes souvenirs
comme un artiste repeint sa toile
l’avenir est un élixir
diluant le présent dans le passé

je ne suis que chimie
de pensées programmées
les mots mentent
ils existaient avant moi
quand tout était différent

mon cœur s’emballe sans raison
vers tous les cardinaux
j’ai perdu le goût de tout
je souris sans passion
ne contemplant rien d’autre
que l’intérieur de moi

et pourtant je respire j’existe
mais pour quoi
quel destin pour un grain de sable
volant au moindre frisson marin
les poussières ne se donnent pas  la main

croyant vivre la même aventure
les hommes s'agglutinent
pour flotter dans les courants tièdes

la réalité n’a pas de géométrie universelle
la vérité est un leurre de l’histoire
l’amour un rêve fatal à l’indépendance
aveugle j’avance en automate

monté sur quel ressort
ni justice ni compassion
ni revanche ni haine

peut-être simplement
l'impérieux  désir de beauté
drapeau blanc surnageant du naufrage
triangle vert coiffant la soucoupe des nuages
seul chemin vers une transcendance
qui se passerait de l’histoire et des signes

sans nul besoin de raison folle
un chemin sans étoiles
qui est tout
sauf une ligne droite

Diplôme d'Honneur - Prix de poésie Europoésie-Unicef 2023

Texte : Luc Fayard
voir la version illustrée par
Le Voyageur contemplant une mer de nuages, de Caspar David Friedrich

toucher le bout de l'arc-en-ciel

- je veux toucher le bout de l’arc en ciel
s’il le faut je prendrais un bateau
mais j’ai peur de me perdre en mer
et d’errer comme un vaisseau fantôme

- contemple d’abord ses couleurs
fais les chauffer dans ton cœur
imagine les pays survolés
les gens éblouis la tête en haut

- je veux partir je ne peux rester la
l’arc a tracé mon chemin
il me dit viens envole toi
emporte tes rêves qui vont surgir

- l’arc lui-même est un rêve
visible de partout dominant tout
mais il n’est qu’un piège de lumière
tu pourrais le traverser sans le voir

- je veux danser sur les étoiles
rire au vent frais du chemin
gonfler mes poumons gonflés d'air marin
et mon cœur battre au rythme de mes pas

l’enfant grimpa sur l’arc en ciel
et disparut avec lui dans les nuages blancs

je veux tout oublier

je veux tout oublier
des anciens jours sepia
célestes ou grossiers
que rien ne recopia

rien ni le triste chant
de la lumière bleue
ni l'accord dissonant
du matin malchanceux

je veux tout oublier
la magie floue du monde
les cierques mésalliés
dansant sa folle ronde

oublier la cité
du concert fracassant
l'impétuosité
du cynique impatient

je veux tout oublier
les mots si malhabiles
sur les plaies repliées
des rendez-vous fragiles

la mémoire infiltrée
au détour du chemin
par de nouveaux portraits
regardant vers demain

je veux tout oublier
pour qu'enfin recommence
l'émotion relayée
par le spleen sans souffrance

et qu'enfinl’infini
des contrées inconnues
ranime dans son nid
mon âme mise à nu

Voir la version mise en musique sur instagram ; voir la mise en scène illustrée par une illustration de Simon et un tableau d'Henri Lebasque sur Galerie Amavero et Poésie de l'Art; voir la galerie
Femmes à la fenêtre de 60 chefs-d'oeuvre représentant une femme à la fenêtre, thème qui a servi pour illustrer ce poème.

le poète est un rat

le poète est un rat
terré dans ses mots
obsédé de visions
rongeur de sens troué

son âme torturée
s’effraie du moindre bruit
que ferait une musique
plus belle que la sienne

dans son terrier
sale et sombre
il pond jaloux
ses mots fantômes

mots égarés
poule devenue folle
couvant toute la nuit
des œufs de serpent

il n’écoute que le bruit
de son cœur excité
qui lui dresse un rempart
fatal à la réalité

la vie s’écoule
en-dehors de lui
jamais ses mots
ne la rattraperont

toujours grognant
il racle le papier
comme un chien
renifle la bouse

jamais la rose
n’y fleurira
juste des ronces
et des orties

il aura beau
les sculpter jour et nuit
elles le gratteront
toute sa vie

Texte : Luc Fayard
voir une version illustrée par IA

terminus

étrange destin
pour l’homme
approcher de la fin
sans le vouloir
pas après pas
marche inéluctable
au rythme du cœur
horloge atomique
au décompte inlassable
chaque pulsation
est une croix de plus g
gravé sur le livre
par l’assassin comptable
des jours achevés

quel objectif étonnant
un train direct sans arrêt
mais à durée du trajet
indéterminée
chacun son terminus
règle valable pour tous
les grands les minus
les sereins les atrophiés
galériens enchaînés
à la même certitude
ramer vers l’inconnu
et le jour de l’arrêt final
à la station néant
où seul tu descendras
il fera noir
pour toujours

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

Texte: Luc Fayard
voir une version illustrée par l'IA ici ou

petits riens de bonheur

soudain la voici
apparition
cœur en surchauffe
sa peau de louve
ses yeux de brume
le long nez fier
cheveux cachés
envie de les lisser
ah la belle oracle
tête inclinée
elle écoute
réfléchit
quand elle marche
fragile
son corps agile
crée sa bulle
le vent s’écarte
sur la silhouette
dansante
statue vivante
art en mouvement
le temps perplexe
contemple l'instant 
à peindre sur site
quand tout se fige
les lignes fuient
l’ombre s’agrandit
et puis voila
elle est partie
sur un soupir 
un sourire

le monde s'enroue
et dans la brèche
créée par elle
dans la grande ronde
il ne reste à peine
qu'un souvenir de parfum
la gracilité des mains
l'image floue
de sa moue
rien que des petits riens
de bonheur

Texte : Luc Fayard
voir l'oeuvre créée par l'IA en lisant ce texte
voir la mise en scène plus classique de Galerie Amavero

sept haïkus de naissance et d'amour

tu as la joue ronde
comme un rocher dans la nuit
tes pleurs sont la pluie

i grec de tes jambes
lianes de jungle et d'odeurs
infini plaisir

potelé des cuisses
ventre fixe et cru tendu
exquises promesses

le goût de ta peau
me révèle cent mille îles
peuplées de palmiers

tes yeux bleus de lune
interrogent gravement
mon coeur à la hune

de tes deux mains d'algues
de tes dix doigts de vents lourds
tu tisses ma vie

le monde murmure
il laisse pour toi et moi
ses ombres au mur

(citation au Prix Amitiés Littéraires du Val d’Orléans 2022)

fouiller la surface (1)

J’écris pour fouiller la surface indicible des choses et des gens, dans la sphère de l’invisible, au-delà des mots et des traces.

Mes mots ne sont pas des mots, ils sont le désir fou de rencontre entre âme et beauté, la volonté imparable de peindre l’hybride indiscernable de sentiments et d’émotions. 

Je ne sais pas crier, tout juste murmurer ma sincérité, mon désir. Immanents.

Je cherche à créer les rêveries d’un tableau abstrait, le foisonnement d’un paysage de recoins, la larme limpide d’un prélude en do majeur, les cieux aux nuages éclatés.

Je veux décrire les yeux transparents qui transpercent, la main douce poussant un soupir, la mort amère amer aimant, les rages de l’être à tous les âges, les folies de la vie torticolis.

J’écris pour me sauver de mes tourments, stopper leur cycle un moment : les voici suspendus en l’air par mes mots qui les empêchent de retomber ; d’un œil je les vois prêts à se ruer sur moi : alors je continue d’écrire en apnée, plongeant toujours plus loin dans un monde sans fin.

Quand j’écris, j’ai peur de mes mots microscopiques mais je continue, tant pis, porté par un espoir improbable, écharde de bois transocéanique, petit caillou à la fois dense et léger chassé par le vent, cerf-volant détaché de son fil qui tournoie en montant vers les nuages.

Mes mots forment une myriade de filandres fécondes, plus fortes que la matrice des heures, une kyrielle de notes frappant les cœurs des bouts du monde où je ne suis jamais allé.

J’écris pour lancer des passerelles entre les êtres, lignes de vie d’un bateau cherchant son cap. Je ne veux pas d’échelles ni de solutions, je veux des rêves et de la vibration.

Voile s’évanouissant à l’horizon, mon texte va m’abandonner; ayant gravé en moi un sillage profond, hors de ma vue, il vivra à jamais.

J’écrirai encore et encore jusqu’à ma mort et, ce jour-là, mes mots d’amour et d’or, je les serrerai contre moi, je les emporterai avec moi. Qui sait à qui ils pourront profiter…

Les nuages sauront-ils les aimer ?

(1er prix du concours Amavica - Mille poètes en Méditerranée - catégorie Prose poétique)
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier